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31. Бессознательное у Пиера Жанэ Ж. Вербизье (L'inconscient chez Pierre Janet. J. de Verbizier

31. L'inconscient chez Pierre Janet. J. de Verbizier

Faculte de Medecine Lariboisiere-Saint-Louis a Paris, France

"Importance Que Tend a Prendre la Theorie de L'inconscient"

Cette phrase, en gros caracteres, signale le mouvement qui s'amorce a cette epoque (1887). Elle titre le dernier chapitre consacre aux problemes de la conscience in "Traite de Philosophie", Paris

L'auteur en est Paul Janet, membre de l'institut, Professeur a la Faculte des Lettres de Paris, l'oncle paternel de Pierre Janet. Les deux hommes sontproches, l'influencede l'aine sur le cadet non negligeable pour son orientation et sa formation. Mais l'inconscient des philosophes n'est pas celui des psychologues, parmi lesquels se range deja Pierre Janet.

Pierre Janet, au moment ou parait ce livre, a 28 ans. Norame en 1897 a l'Ecole Normale Superieure, il est maintenant depuis 4 ans professeur de philosophie au Lycee du Havre et elabore dans le meme temps sa these de Doctorat es Lettres. Son attention a ete attiree par deux medecins du Havre sur les troubles de malades hysteriques et notamment sur les modifications de l'etat de conscience qu'elles presentent. Les titres de ses premieres communications en temoignent puisqu'a partir de ses observations, il peut ecrire en 1886 un article sur "les actes inconscients et le dedoublement de la personnalite pendant le somnambulisme", puis un second ,en 1888, sur "les actes inconscients et la memoire pendant le somnambulisme", avant de soutenir, en 1889, sa these sur "l'Automatisme psychologique" ou d'importants chapitres sont consacres a l'etude des actes subconscients.

Janet, a cette epoque, n'est pas medecin. Il le deviendra, approfondissant ses recherches a Paris, notamment dans le service de Charcot a La Salpetriere apres sa these de medecine "Contribution a l'etude des accidents mentaux chez les hysteriques" (Paris 1893).

Les annees suivantes, l'analyse par P. Janet des phenomenes subconscients se poursuit. II publie sur "l'insomnie par idees fixes subconscientes (1897) puis rapporte ses travaux dans "Nevroses et idees fixes" (1903). En 1909, il presente au Congres International de Psychologie a Geneve un rapport sur "les problemes du subconscient" et rassemble peu apres sur un mode plus general ses conceptions dans "les Nevroses" (1914).

L'etude de ces textes permet de noter une evolution dans la pensee de Janet: l'accent progressivement est mis moins sur l'etude des phenomenes subconscients en eux-memes. "lis n'etaient a mes yeux, ecrit-il en 1914, que l'expression de certaines observations psychologiques, une ap-parence que prenaient dans certains cas divers troubles psychologiques" que sur leur place dans une psychologie des conduites qu'il commence a elabo-rer.

C'est dans les oeuvres desa maturite, dans "l'Angoisse a l'extase" (1928), dans ses cours au College de France, en particulier dans "revolution psychologique de la personnalite" (1929) que se trouve le developpement de la reflexion de P. Janet. "Nous sommes arrives a un moment, dit-il a ses auditeurs, ou il n'est pas mauvais de resumer notre enseignement et de donner quelques idees en raccourci".

Une formulation synthetique sur les problernes de la conscience s'integre alors dans une theorie generale du psychisme ou l'inconscient apparatt meconnaissance non seulement morbide mais mode constitutif de la psychologie normale par lequel le sujet se constitue en tant que tel, au cours de revolution de la personnalite.

Commencons, ecrit P. Janet des le debut de son oeuvre, a exprimer les faits avec le plus de precision possible dans le langage psychologique, c'est a-dire les decrire tels qu'on les observe. Et rappelant les propos d'Andre Beauquier, "il faut respecter les mots, les toucher avec soin, avoir peur de les contrarier, de les pervertir en les coupant de leurs racines; les mots ne dependent pas de nous", il etablira tres vite une distinction entre l'inconscient des philosophes - "jem'occupe d'autre chose"-, objet d'etudes metaphy-siques fort anciennes sur les possilibites d'une intelligence independante de la conscience, et les recherches sur le subconscient beaucoup plus recentes, que soulevait Interpretation de certains troubles mentaux. II aborde ainsi l'inconscient comme objet de science. Le mot subconscient "si Ton s'en tient a la signification que je lui donnais quand j'en ai 'propose l'usage en 1886-1889, se borne a resumer les caracteres singuliers que presentent a l'observateur certains troubles de la personnalite au cours d'une nevrose particuliere, l'hysterie. Je voulais marquer par subconscient qu'il s'agissait de phenomenes a moitie conscients et pas tout a fait prives de conscience." Janet desormais emploiera ce terme de preference au mot inconscient et l'utilisera en substantif, plus souvent encore comme adjectif.

La notion de subconscient n'est pas cependant figee une fois pour tout dans la pensee de P. Janet. Ce n'est pas un etat en ce sens qu'il n'est rien d'immobile. Il s'exprime par I'acte qui le constitue, dans le mouvement et revolution. "Je suis conscient que toutes les fonctions psychologiques comme tout ce qui existe dans le monde, sont des phenomenes transitoires. Tout passe. Nous assistons a une evolution perpetuelle des choses. il n'y a pas un seul fait psychologique qui soit eternel. L'evolution n'est pas terminee. Et du "subconscient" on pourrait dire ce que Janet dit de la personnalite "nous devons nous faire une idee non de ce qu'il est, - au fond cela nous est profondement inconnu - mais de ce que nous voulons appeler de ce mot." Ce n'est point surprise aussi de voir cette notion se remanier et occuper un rang et une place variables, tout d'abord dans ses premiers travaux sur l'automatis-me mental, les idees fixes, dans la nevrose hysterique, les obsessions et la psychasthenic, puis s'integrer dans la theorie qu'il elabore a partir de 1910 sur l'etude de la psychologie objective, la psychologie concue comme un ensemble d'actions des hommes et d'actions que Ton pourrait etudier de l'ехterieur aussi bien que de l'interieur, definissant le fait psychologique comme la conduite exterieure de l'etre vivant.

Le point de depart des etudes sur les phenomenes inconscients se trouvedans "l'Automatisme psychologique." Mais ces etudes se poursuivront et a differents moments de son oeuvre, Janet travaille ce concept de subconscient, c'est-a-dire pour reprendre une proposition de Canguilhem, en fait varier l'extension et la comprehension, le generalise par l'incorporation de traits d'exception, l'exporte hors de sa region d'origine, le prend pour modele ou inversement lui cherche un modele, bref lui confere progressivement par des transformations successives la fonction d'une forme.

Les presupposes qui font que ce travail est possible a I'epoque ou il l'entreprend, vers les annees 1885, les courants de pensees auxquels ils renvoient, se lisent a divers endroits dans les ecrits de P. Janet.

"Je n'ai pas reuni tant d'observations sans avoir quelque conception generate, quelque idee directrice pour grouper les fails".

Soutenu par un projet bien defini, se reclamant de la methode experimental, la recherche de Janet est nourrie par sa double formation philoso-phique et psychiatrique et prend appui sur une information utilisee de facon efficiente et abreviative, aux sources de la physiologie neurologique (Sherrington, Jackson, Pavlov), de la psychologie animale, de la psychologie de l'enfant (Baldwin, Piaget, Claparede). Des references sont faites egalement aux travaux de sociologues et d'ethnologues tels que Durkheim, Tarde, Levy-Bruhl, a des oeuvres litteraires: Dostoievsky, Rabelais, Montaigne, Proust. Enfin, a plusieurs reprises dans son oeuvre et des le commencement Janet dit son interet et son estime pour les ecrits des magnetiseurs Puysegur, Bertrand et des pionniers des etudes sur l'hypnotisme "qui ont prepare la connaissance des phenomenes subconscients".

Ces references diverses surprennent ses contemporains; Janet leur repond: "j'ai le sentiment que l'etroitesse d'esprit et le retrecissement dans les specialites n'est jamais une bonne chose et que c'est surtout lorsqu'on s'occu-pe de psychologie qu'elle a des effets deplorables".

Le premier ouvrage de Janet "l'Automatisme psychologique" prend, par son titre me me, naturellement sa place dans l'histoire de la folie. Celleci n'est, comme l'ecrit Baillarger, que la description de l'automatisme psychologique livre a lui-meme. Le projet de Janet est d'eclairer la connaissance de I'activite humaine par l'etude de ses formes les plus simples, les plus rudimentaires, manifestations dites automatiques par ce qu'elles ont d'apparemment spontane, rigoureusement determinees en prenant leur source dans l'objet meme a la facon des automates. Mouvements propres aux premiers effforts de l'activite, auxquels certains ajoutent le caractere d'etre purement. mecanique, sans conscience.

Cette derniere interpretation est importante. Elle pousse en effet beau-coup de philosophes de I'epoque et jusqu'alors, dans leur souci de ne pas reduire l'homme a un pur mecanisme d'elements etendus et insensibles a refuser de reconnaitre dans l'esprit humain un automatisme. Janet part de l'hypothese que Ton peut admettre simultanement et l'automatisme et la conscience. Son but est de demontrer non seulement qu'il у a une activite humaine meritant le nom d'automatisme mais encore qu'il est legitime de l'appeler un automatisme psychologique.

L'etude des formes elementaires de I'activite sera done en meme temps l'etude des formes elementaires de la sensibilite et de la conscience. Deja est pose le fait que Janet ne dissocie jamais la conscience de I'activite. Il n'y a a chaque moment qu'un seul et meme phenoirene se manifestant toujours de deux manieres differentes.

L'unite attribuee a I'activite superieure est plus souvent un moment, un terme, qu'un caractere permanent et un point de depart. l'automatisme peut etre complet, totalpar exemple dans la catalepsiemais se presente aussi sous des formes partielles, tels que les mouvements incoherents et convulsifs, les actes inconscients ignores par celuila meme qui les accomplit, les desirs impulsifs contraires a la volonte et auxquels le sujet ne peut resister, inexplicables si on ne connait que la theorie de la volonte libre et unie.

La methode d'approche sera celle des sciences naturelles et plutot que recourir a l'observation personnelle - la conscience ne nous fait pas connai-tre tous les phenomenes qui se passent en nous - l'observation d'autrui presente des avantages surtout lorsque certains individus presentent au plus haut degre les phenomenes que Ton souhaite examiner. Que cet homme soit malade ou non n'est pas un inconvenient. "L'homme n'est connu qu'a moitie s'il n'est observe que dans l'etat sain, l'etat de maladie fait aussi bien partie de son existence morale que de son existence physique," notait Broussais. De plus il existe dans la pathologie humaine des troubles qui realisent pour nous une sorte d'experience. Nous trouvons dans la pathologie mentale tous les faits que nous desirons, grossis, simplifies. Ils nous permettent l'etude et la comprehension plus complete des conduites. C'est pourquoi une psychologie sera necessairement, a bien des points de vue, une psychologie pathologique.

Elle sera experimental si par ailleurs on peut faire varier les phenomenes et les conditions dans lesquels ils se presentent. Modifier l'etat de conscience d'un sujet est possible. Moreau (de Tours) le realisait par des ivresses provoquees par le haschisch - "excellent moyen d'experimentation sur les origines de la folie." Methode que Janet trouvait peu sure et a laquelle il prefere le recours au somnambulisme provoque. II est influence dans cette voie par l'oeuvre et les reflexions de Maine de Biran, "une precurseur de la psychologie scientifique", et les experiences des magnetiseurs. L'interet des operations du magnetisme animal avait ete releve a I'epoque notamment par Taine, Jouffroy, Maury mais des prejuges, le renom de charlatanisme attache a ces pratiques avaient ecarte les chercheurs du "braidisme" et de l'usage du sommeil hypnotique (Pour l'histoire delaillee des resistances auxquelles s'est heurtee de Mesmer a Freud la'reconnaissqnce de l'hypnose, voir Chertok et de Saussure (cf. bibliographie)). Il faisait l'objet, de la part des milieux scientifiques, d'un "mepris pueril," redouble lorsqu'il s'appliquait a la plus folle des nevroses: l'hysterie. Pour Janet, parce que ces nevroses ont comme caractere une grande instabilite mentale, par les accidents naturels qu'ellesoccasionnent, par les predispositons au somnambulis me, elles engendrent le champ le plus favorable aux etudes experimentales.

La demarche de Janet se percoit bien. Il s'attache d'abord a la description minutieuse des faits observes-la methode du stylographe, ditil plaisantant - a leur controle, aux conditions dans lesquelles ils apparaissent. Il releve a cette occasion l'inf luence elective de l'operateur qui fait, par exemple, que les "membres anesthesiques du sujet ont leur preference et obeissent a telle personne et non a telle autre." II retrouve la le "rapport" magnetique. Marie et Rose sont en general plus electives que Leonie et semblent ne plus voir et entendre que celui qui les a endormies Il releve egalement qu'il est plus ou moins facile, sans perdre la domination sur un somnambule, de lui faireentendre une autre personne que Ton veut mettre en rapport avec elle. Il se decrit lui-meme clinicien et dit a ce propos: "il est bon de chercher a com-prendre le malade avant d'essayer d'expliquer la maladie". ExaminantMarie, une jeune hysterique convulsive et vomisseuse: "voyons, lui disje par curiosite, expliquemoi ce qui se passe quand tu vas etre malade" et n'obtenant pas de reponse claire, "je songeais alors a la mettre dans un etat de somnambulisme profond capable de ramener des souvenirs en apparence ou-blies. Je puis ainsi retrouver la memoire exacte d'un vecu qui n'avait jamais ete connu que tres incompletement... Dans sa conscience normale Marie ne sait rien de tout cela et ne comprend meme pas que le frisson est amene par l'hallucination du froid. Il est done vraisemblable que cette scene se passe au-dessous de la conscience et amene tous les autres troubles par contrecoup.

En ramenant le sujet par suggestion a l'instant de l'accident, je par-vins, non sans peine, a changer l'image. Je lui fais jouer les scenespenibles de sa vie a cette epoque. Les crises ne se reproduisent plus depuis plusieurs mois. Je trouve, commente-t-il, cette histoire interessante pour montrer l'importance des idees fixes subconscientes et le role qu'elles jouent dans certaines maladies physiques aussi bien que dans les maladies morales".

Cette analyse psychologique des idees fixes subconscientes par l'hypnose, plus accessoirement par l'etude des reves, l'ecriture ou la parole automatique, la notation des premiers mots apres le reveil, l'examen des actes accomplis en etat de distraction, Janet la poursuivra les annees suivantes a propos notamment de ses etudes sur l'hysterie.

Appele par Gustave Le Bon a ecrire un ouvrage synthetique sur les nevroses (1914), il place en exergue decelivre revocation d'undrame de Shakespeare.

"Lady Macbeth marche dans son sommeil, les yeux ouverts mais sans voir les temoins. Elle raconte tout haut le meurtre de Banquo sanss'aperce-voir de la presence du medecin et de la dame suivante. Elle pousse des cris de terreur quand elle croit voir sur son corps la fameuse tache de sang: "dam-nee tache de sang, tous les parfums de l'Arabie ne t'enleveront pas".

Preambule a la description du phenomene de l'idee fixe dans ses principals formes soit somnambuliques, soit partielles caracteristiques de l'hysterie, bien que rencontree dans d'autres etats morbides.

L'idee qui trouble l'esprit peut se presenter d'une maniere exageree et souvent assez dramatique pendant des etats de conscience anormaux, des sortes de crise qui meritent le nom de somnambulisme.

Gil, jeune femme de 29 ans, intelligente, vive, impressionnable, recoit un jour, un peu trop brusquement, une fatale nouvelle: on lui annonce que sa niece habitant la maison voisine et deja malade depuis quelques temps, vient de succomber dans des conditions terribles. Elle se precipite au dehors et arrive malheureusement a temps pour voir, sur le trottoir, le cada-vre de cette jeune fille, qui, dans un acces de delire, s'etait precipitee par la fenetre. Gil, quoique tres emue, conserve en apparence son sang-froid, aide a tous les funestes preparatifs, assiste a l'enterrement. Mais a partir de ce moment, son humeur s'assombrit, de plus en plus sa sante s'altere et Ton voit commencer les singuliers accidents suivants. Tres souvent, presque tous les jours, la nuit ou le jour, elle entre dans un etat bizarre; elle parait etre dans un reve. Tout doucement elle bavarde avec une personne absentequ'elle appelle Pauline (e'etait le nom de la niece morte recemment). Elle lui dit qu'elle admire son sort, son courage, que sa mort a ete tres belle; elle se leve, s'approche des fenetres, les ouvre, les referme, les essaie les unes apres les autres, monte sur l'appui de la fenetre et evidemment, si on ne l'arretait pas, se precipiterait. II faut la retenir, la surveiller sans cesse jusqu'a ce qu'elle se secoue, se frotte les yeux et reprenne ses occupations ordinaires comme si rien ne s'etait passe.

Observation mettant en evidence combien les idees fixes subconscientes, telles que les releve Janet, sesituent au contact du sujet avec le monde, le drame qui l'habite, sa place dans l'histoire de relations interpersonnelles ou refus et aspirations, dans le conflit, se conjuguent. Point aveuglede la conscience mais inseparable du dynamisme vital qui le constitue.

Dans d'autres cas, les idees fixes portent sur des faits tout a fait imaginaires ou s'attachent moins a une representation qu'a une action: fugue inconsciente, double personnalite, existence simultanee, a une action qu'a des paroles, "le sujet, au lieu de jouer ou d'agir un reve se borne a le parler, pouvant a un degre au-dessous cesser de le parler et ne l'exprimer plus que par son attitude corporelle et l'expression de sa physionomie. Chez certains, les idees fixes a un degre inferieur se manifestent en-dedans d'eux-memes par des images ou la representation de l'acte, le premier moment du mouvement est a la fois naissant et reprime".

Lorsque les idees fixes deviennent incompletes, que le sujet qui s'exprime semble ignorer le delire qui surgit en-dedans de lui-meme, ce delire partiel, qui semble se developper au-dessous de la conscience normale, merite d'etre appele subconscient. Il peut prendre une forme hallucinatoire, hallucination qui n'est qu'un fragment de tout un reve, une idee fixe dont la plus grande partie reste latente. C. a des accidents somnambuliques au cours desquels elle rencontre un individu nomme Joseph, le voit, s'entretient avec lui et ne lui refuse rien. Mais au milieu de la journee, la meme femme bien tranquille voit subitement apparaitre la tete de Joseph ou sent l'odeur de sa cigarette, ou sent sa joue frolee par une moustache.

Phenomenes auxquels peuvent se rattacher ces emotions subites, ces peurs inexplicables, ces agitations viscerales que Ton observe chez les hysteri-ques et ou des symptomes divers se substituent a des souvenirs traumatiques subconscients, souvent a l'occasion du rappel d'emotions pathogenes.

Ainsi apparait que ce que Ton observe n'est pas seulement ce que Ton a sous les yeux, et qu'il convient d'aborder ces phenomenes d'un point de vue genetique, d'en saisir l'embryologie. Le vocabulaire en temoigne, "au commencement," "autrefois". Un travail psychologique s'accomplit dans une duree "il у a une periode d'incubation, l'idee nouvelle passe et repasse dans des reveries vagues, puissemble, pendant quelque temps disparaitre et lais-se l'esprit se retablir de son trouble passager. Mais elle accomplit un travail souterrain. Elle est devenue assez puissante pour ebranler le corps et provoquer des mouvements dont l'origine n'est pas dans la conscience personnel le."

Ce processus des lors peut s'affaiblir, s'amplifier, se metamorphoser, se figer dans des repetitions indefinies et de moins en moins reversibles. Les phenomenes emancipes, les idees fixes subconscientes surviennent alors a la fois comme cause et effet de l'affaiblissement de la vie mentale.

Tout se passe comme s'il у avait dans l'esprit deux activites differentes qui tantot se completent l'une l'autre, tantot se font obstacle - activites de creation et activites de conservation. Qu'un accord s'etablisse entre les activites de creation - la conscience est elle-meme une activite de synthese, une complication de Taction, un perfectionnement de la conduite elementaire - et les activites de conservation, alors la sante du corps et l'harmonie de l'esprit en resulte. Mais qu'une d'elles defaille et fasse surgir des phenomenes qui avaient leur raison d'etre autrefois, alors un tel esprit tombe dans le plus parfait desordre. Ces desordres resultent de l'automatisme ancien sur une activite synthetique actuelle tres difficile, La non integration simulta-nee dansun meme champ de conscience (retrecissement du champ de conscience) fait que des phenomenes ne sont plus rattaches a notre personnalitedans une meme perception personnelle. Us se presentent comme des entites autonomes, tendant a se perpetuer de facon irresistible, souvent invalidante.

L'analyse psychologique peut parvenir - comme dans le cas exemplaire de Marie - a identifier ces idees fixes subconscientes, le souvenir pathogene auquel elles se relient. L'evocation des evenements traumatisants, en fonction du rapport etabli, a des effets psychotherapiques et peut entrainer la disparition de symptomes hysteriques. Le travail du psychotherapeute a, dans certains cas, a se poursuivre par la dissociation des idees fixes subsistantes. Il vise a permettre et a favoriser des actes d'assimilation et de liquidation des souvenirs anxiogenes.

Ces mouvements spontanes ou provoques renvoient a des perspectives genetiques, a une inscription dans le temps. lis comportent egalement une division de l'espace que traduisent des enonces tels que "inferieur, superieur - en-dehors, en-dedans". Topographie conduisant a distinguer dans les fonctions mentales diverses parties hierarchiquement superposees, ou se reconnait un courant de pensee inspire de Jacksonnisme, marquant deja l'oeuvre de Ribot, et les origines en France de la psychologie pathologique. Ce courant avec son originalite propre prend toute une ampleur dans la creation par Janet d'une theorie du psychisme. Vaste synthese caracterisee par une hierarchisation des tendances, ou l'energie mentale se distribue en fonction de deux composantes: la force et la tension psychologiques. Theorie qu'il est indispensable d'evoquer car ce que Janet appelle alors le subconscient est la conservation dans le fonctionnement de l'esprit, a un niveau donne de la hierarchie des tendances, de certaines operations de degre plus elementaire.

Ce fonctionnement de l'esprit s'effectue selon des modalites variees, superposees, a travers l'activite physiologique des organes. Les fonctions les plus anciennes sont reflexes, autoregulees pour une grande part (digestion, par exemple). Mais elles comportent egalement des parties superieures qui consistent a integrer les circonstances significatives du monde exterieur. C'est sur cette partie superieure des fonctions, sur leur adaptation aux circonstances presentes que portent les nevroses, definies comme maladies de revolution des fonctions.

Chaque homme evolue continuellement de deux manieres. En premier lieu, il doit accomplir a chaque instant de sa vie et plus fortement a certaines periodes un developpement individuel qui de la naissance a la mort transforme sans cesse son activite. En second lieu, il participe a l'evolution de la race qui se transforme plus rapidement qu'on ne le croit au milieu des incessantes modifications du milieu social. Aussi la partie la plus elevee des fonctions humaines est-elle toujours en voie de transformation. Des phenomenes tels que la perception de la realite changeante, la formation des croy-ances sont a rapprocher de ceux par lesquels l'embryon evolue et se transforme en construisant des organes qui n'existent pas encore. Jusqu'au dernier jour de la vie, le cerveau continue l'evolution embryonnaire et la conscience manifeste de cette evolution.

Les nevroses sont des maladies qui portent sur cette evolution parce qu'elles portent sur la partie de la fonction qui est en developpement et sur elle seule, dans son adaptation actuelle a des circonstances nouvelles exterieures ou interieures.

Elles se manifestent au moment ou l'evolution individuelle et sociale devient le plus difficile. Elles sont des troubles ou des arrets dans l'evolution des fonctions, aux ages ou la transformation organique et morale est la plus accentuee.

Les manifestations nevrotiques, les phenomenes subconscients en parti-jsulier ne sauraient, pour Janet, etre situes en dehors de la conception psychologique generate qu'il elabore a partir des premieres etudes sur les nevroses hysteriques, sur l'automatisme, les actes inconscients, les idees fixes et aboutit a une vaste synthese sur la psychologie des conduites et la hierarchic des tendances.

Aussi seraitil tout a fait contraire a l'esprit de P. Janet d'isoler "un subconscient" de la psychologie qui fut la sienne et, en Ten separant, [de l'alterer et de I'amputer.

Se demarquant des le debut de l'inconscient des philosophes tel par exemple qu'il se decouvre dans la notion leibnizienne des "petites perceptions" definissant une zone inconsciente par defaut d'intensite ou dans l'oeuvre de ceux qui "mettent dans l'inconscient toute sorte de facultes ocultes - et de vertus", il suit par ailleurs une voie qui n'est pas identique a celle de "l'ecole de la psychoanalyse".

Il s'oppose, des les annees 1910, et confirme plus tard sa position -a une tendance generate a "tout expliquer par le subconscient, a en faire une sorte de tiroir commode ou se mettent toutes les choses inexplicables en psychologie. Le subconscient prete a la facilite." Et il ajoute: "il у a dans la vie humaine des mysteres et de Tinconnu mais il n'y a pas avantage a camoufler le mystere en l'affublant d'un nom qui designe un phenomene scientifique observe. Il у a des dangers a dissimuler l'hypothese metaphysique en laissant croire qu'il s'agit de faits bien observes".

Sans doute est-il necessaire de rapporter ces citations concernant la notion du subconscient et son evolution dans l'oeuvre de P. Janet en restituant les faits dans leur contexte, leur epoque; de tenir compte egalement que le meme mot a, a un certain moment, une signification autre que celle que nous lui pretons actuellement (Observation tout a fait manifeste a la lecture, par exemple, du Colloque de Bonnevali sur "l'inconscient" - 1966 (cf. bibliographic)), que son usage est pris dans une sensibilite collective differente en general et differente d'un milieu a un autre.

Ainsi l'inconscient dont parte Janet en 1889 n'est pas celui d'Hartmann. Ce n'est pas non plus celui de Freud, bien que les etudes sur l'hysterie aient ete au point de depart, chez l'un et chez l'autre, de leur oeuvre.

Dans la facon dont Janet s'exprime sur les problemes du subconscient, se lisent des preoccupations variees. Certaines sont sans doute circonstancielles; d'autres sont pedagogiques Mais Janet corame medecin ne pouvait se detacher de soucis psychotherapiques. "Ce sont des fonctions qu'onnousdemande de retablir et cela est important".

Psychotherapie avec recours au maniement deja connu - mais dont Janet cherche a interpreter le mecanisme d'action - de la suggestion hypnotique. "C'est encore a la persistance d'une pensee subconsciente que je rapporterai Taction de la plupart des suggestions post-hypnotiques a effet therapeutique."

Ou se faisant novatrice par l'invention de la methode cathartique (observation Marie).

A propos de l'analyse psychologique, il ecrira des lignes interessant la prise de conscience, cette operation qui consiste en un certain perfectionnement de la conduite, observant qu'il suflit bien souvent de traduire une action en parole pour la rendre differente de ce qu'elle etait. Ainsi ce que le sujet ne peut pas saisir directement, il le saisira indirectement. Il rappelle a cette occasion ce que Charcot et Legrand du Saulle disaient de "l'aveu." Quand un malade s'est resolu a raconter son histoire, son etat mental change, il n'est plus le meme; le traitement et la direction des malades en sont trans-formes. Qu'estce que l'aveu? C'est la formulation verbale qui se fait aux autres mais qui a commence a se faire a soi-meme. II у a une grande difference apportee par le langage. La prise de conscience est toujours une operation psychologique d'un ordre plus eleve que l'acte meme dont elle prend conscience, elle comporte des degres, per met d'integrer de nouvelles appartenances, de s'approprier ce qui est sien, et qui pouvait etre anterieurement percu comme etranger ou exclu de soi.

Ces divers interets clinique, didactique, theorique, se conjuguenten fait dans l'oeuvre comme dans la vie de P. Janet, psychologue et psychiatre, et se font selon le terme dont il caracterise les tendances superieures, actes progressifs par la vaste synthese qu'il nous laisse (Les textes de Pierre Janet cites se rapportent plus particulierement au probleme du subconscient. Pour la bibliographie de l'oeuvre dc P. Janet, on peut se rapporter a Pouvrage de Claude M. Prevost, "La psycho-philosophie de Pierre Janet"-Payot, Paris,1973. Les autres references indiquees concernent des textes utilises ou consulted a l'occassion de la redaction de cette etude. Elles visent simplement a fournir quelques rcpaires de lecture).

Moment sans doute de l'histoire de la psychologie pathologique, vivant dans la mesure ou il continue a nous interroger, a susciter notre reflexion vers le devoilement d'autres aspects de la vie humaine.

Resume

A la fin du 19 erne siecle, un important courant de recherchesen psychologie pathologique se consacre a l'abord de l'inconscient et le constitue comme objet de science.

Ce courant est brillamment illustre par Pierre Janet. Partant, des les annees 1885, de l'etude des nevroses hysteriques, Janet dans son oeuvre definira sur un mode evolutif les caracteres du subconscient, ses conditions d'etudenotamment par le recours a l'hypnose - sa place dans la theorie generate du psychisme qu'il elabore a partir de 1910.

Il cree dans le meme temps une semiologie des conduites et de leurs troubles dans l'evolution de la personnalite.

Il initie, par l'analyse psychologique des phenomenes subconscients, des decouvertes psychotherapiques essentielles dont la methode cathartique.

Bibliographie

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Janet, P. L'evolution psychologique et la personnalite - A. Chahine, 1929,

Janet, P. Les debuts de l'intelligence - Paris, Flammarion, 1935.

Janet, P. Les troubles de la personnalite sociale - A. M. P., 1937, 149-206, 421-268.

Evolution Psychiatrique: Hommage a Pierre Janet - 1960, Fasc. III.

L'inconscient: VI Colloque de Bonneval, sous la direction de Henri Ey, Desclec de Brouwer Paris, 1966.

Confrontations Psychiatriques - N 11, 1973, Quelques grands noms de la psychiatrie. Bulletin de Psychologie, 1960, XIV, n° sur. P. Janet, 184.

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