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33. Бессознательное и речь как проблема психоанализа К. Клеман (Inconscient et langage dans la psychanalyse. Catherine Clement)

33. Inconscient et langage dans la psychanalyse. Catherine Clement

Universite de Paris, France

Les critiques marxistes faites a la pensee de Freud sont suffisamment connues et suffisamment anciennes pour qu'on n'ait pas a lesrappeler ici. Si elles demeurent valides en ce qui concerne l'ideologie personnelle de Sigmund Freud - sous condition de bien voir que cette ideologic est complexe, traversee elle-meme de contradictions internes - elles semblent devoir etre rep nsees selon une veritable evaluation dialectique; car, si les instruments que Freud se donnait pour se representer l'inconscient - par exemple l'energetique de l'appareil psychique - peuvent etre soumis a critique, les instruments de pensee qu'il a poses, le premier, pour comprendre l'articulation entre l'inconscient, le langage, et la subjectivite sont devenus necessaires a toute reflexion anthropologique, et plus particulierement a l'anthropologie marxiste.

De cette distinction entre la part ideologique de la demarche freudienne, necessairement tributaire d'une histoire, d'une origine et d'une situation de classe, et la part rigoureuse d'une pensee fondamentale pour le progres actuel de la connaissance, decoule une reflexion sur le langage qui peut s'ancrer clans une lecture historique. Car faire l'analyse critique, au sens positif comme au sens negatif, de la psychanalyse, suppose qu'on prenne en compte son histoire. Cette histoire s'est deroulee, depuis les annees 1900 qui en marquent le point de depart, dans le monde capitaliste; en Europe d'abord, puis, apres la deuxieme guerre mondiale, aux Etats-Unis. Cette histoire se deroule done dans un monde qui a vu progressivement s'accroitre des conflits aboutissant a une crise economique, politique et ideologique dont on connait l'ampleur, dont on mesure les consequences. La psychanalyse n'a pas ete isolee de l'evolution des luttes de classes qui conditionnent les mouvements ideologiques, selon l'histoire propre de chaque pays ou elle s'est implantee. Elle a ete de plus en plus partagee en deux tendances, d'importance inagale en quantite, mais de retentissement egal, qui refletent assez bien le partage que nous posons dans la pensee freudienne: une partie des psychanalystes, assurant demeurer fidele a Freud, a repris l'essentiel des constructions metapsychologiques, melange de philosophic idealiste et de psychologie, tout en remaniant, de fait, dans la pratique, le noyau veritable de la decouverte freudienne; une autre partie des psychanalystes au contraire a centre son action et sa theorie sur l'efficacite du langage, sur laquelle repose l'essentiel de la pratique psychanalytique.

L'evolution de la psychanalyse dans le monde capitaliste a suivi approximativement, deux tendances. Aux Etats-Unis, ou l'essor de la therapeutique psychanalytique a ete considerable apres les annees 1950, la psychanalyse s'est de plus en plus reduite a une assistance psychologique, dont les finalites avouees consistaient en une readaptation des individus a une vie socialeet privee insupportables pour eux. Parallelement se mettait en place une theorie elaboree principalement par Hartmann, Kris et Loewenstein, qui, des les annees 1939, avaient transforme en profondeur la topique reudienne, composee des trois instances, Qa, Moi, et Surmoi. Les theoriciens "americains" у ajouterent une quatrieme instance, le "Moi autonome", instance d'ordre normatif et moralisant, dont la fonction est d'assurer le controle de l'inconscient, en construisant une "autonomie" dont l'ideeest totalement contraire a la pensee freudienne, pour qui l'inconscient demeure incontrolable, ne seraitce, entre autres, que par le processus d'aprescoup qui le caracterise. Les psychanalystes ont alors pour objectif de faire sortir de la cure un moi autonome du patient, obtenu, paradoxalement, par identification au "moi" fort de l'analyste. Par reproductions successives, de "moi fort", en "moi autonome", se construit dans la psychanalyse americaine une mythologie adaptative qui fait des patients et de leurs psychanalystes des sortes de surhommes, dotes d'un instrument de controle sur leurs conflits affectifs. Il est clair que, dans cette perspective, l'individuest le centre de la reflexion, et qu'il lui est propose une solution pour echapper seul, aux contradictions sociales dont les reprrcussions se font sentir dans l'affectivite et la subjectivite. Dans la perspective americaine, le sujet individuel "s'en sort", conformement aux mythes et a l'ideologie du "self-made man".

Toute autre est la seconde tendance, qui s'est surtout developpee en France, ou l'histoire de la psychanalyse a suivi un chemin tout different. En effet, c'est par des voies culturelles complexes que la psychanalyse s'est installed en France, par la psychiatrie, mais aussi par la recherche litteraire, centree alors sur les problemes de la creativite. L'existence de psychologues materialistes comme Henri Wallon, avec qui travaillent des psychiatres en formation analytique, prepare la voie a une orientation nouvelle. Elle apparait (des les annees 1950 avec, comme porte-drapeau, la docteur Lacan, qui en 1953, s'oppose ouvertement a l'orientation americaine. Or, c'est sur la fonction du langage qu'il insiste d'abord, et c'est ce qu'il appelle le "retour a Freud": c'est a dire le retour a une partie de l'oeuvre freudienne qui avait "te laissee en friche par la theorie et la pratique psychanalytiques depuis les annees 1930. Le "retour a Freud" ne signifie pas qu'on assume danssa globalite la theorie freudienne, tant s'en faut; les "mythes" freudiens sont poses comme tels, par exemple le mythe de la horde primitive, ou, plus radicalement, le mythe oedipien qui faisait jusqu'alors le centre de Interpretation psychanalytique. Le "retour a Freud" concerne exclusivement le langage. Mais, ce disant, on pose des implications nouvelles pour Favenir de la psychanalyse: la theorie et la pratique s'en trouvent modifiees, et, au dela, la fonction d'intervention ethique et politique de la psychanalyse, qui se trouve principalement mise en cause par la readaptation americaine de l'ego psychology.

C'est done dans Freud, mais en faisant le partage entre le mythe et les premisses d'une science de la subjectivite, qu'il faut trouver les sources du rapport essentiel de l'inconscient au langage. Et tout d'abord, dans l observation clinique qui, historiquement, a suscite la naissance de la psychanalyse comme therapeutique nouvelle: car c'est sur le corps raeme de ses malades, principalement des "hysteriques", que Freud a decouvert un langage jusqu' alors mal compris, le langage du corps. En un premier sens tres elementaire, on peut parler de "langage" dans la mesure ou des signes s'organisent en systeme permettant une comprehension: Ainsi, danscet exemple queraconte Freud (dans la Science des Reves, page 524 de l'edition francaise) une jeune fille presente un ensemble de signes qui font Interpretation: "Tandis que les femmes soignent ordinairement les moindres details de leur toilette, elle laisse pendre un de ses bas et deux boutons de son corsage sont defaits. Elle se plaint de douleurs dans une jambe et montre son mollet sans qu'on lui demande. A'.ais sa plainte principale est, textuellement; la suivante: elle a l'impression d'avoir dans le corps "quelque chose de cache" qui va et vient et la "se-coue" tout entiere. Souvent alors tout son corps se raidit..." Freud n'a aucune, peine a lire dans cet ensemble de signes - le bas qui pend, les boutons ouverts, le raidissement du corps, a quoi s'ajoutent les morceaux de discours sur ce qui "se cache" et "secoue" le corps de sa malade - une scene sexuelle mimee, formulee a l'insu de la patiente par des signes que sa conscience ne maitrise ni ne comprend. "La f illette n'imagine pas la portee de ce qu'elle decrit, sinon elle ne le dirait pas. Ici la censure a ete a ce point aveuglee qu'une reverie ordinairement inconsciente a pu franchir le seuil de la conscience sous le deguisement ingenu d'une plainte". Voici done que, en deca du langage verbal, apparait un langage fait de troubles, de douleurs, de symptomes qui parlent a la place des mots qui ne peuvent pas se dire. Voici done posee une equivalence fondamentale entre le systeme de signes paries et le systeme de signes que peut manifester l'inconscient au travers d'un certain nombre de troubles corporels. Cette equivalence se verifie dans la levee des symptomes: quand ils passent en paroles, le corps est delivre de ses signes importuns.

C'est dans l'analyse des reves que Freud a pose le plus clairement l'existence d'un autre langage que celui de la communication conventionelle "normale", le langage de l'inconscient Le reve se presente comme un texte fait d'images a dechiffrer, un "rebus", e'est-a-dire une suite de graphismes exprimant par homologie une phrase, qu'il [aut trouver. Cn construit cette phrase par deduction, a partir des associations de langage que le reveur produit, en prtnant pour base chacun des elements du reve. Chaque graphisme produit, au terme d'un enchainement plus on moins long, un mot du langage, qui, relie aux autres, fera du sens a partir du nonsens apparent du reve. Freud appelle con tenuman if est e le langage enigmatique du rebus; et con tenu latent le langage de l'inconscient qui se donne a dechiffrer dans lereve. "Les pensees du reve et le contenu du reve nous apparaissent comme deux exposes des memes faits en deux langues differentes; ou mieux, le contenu du reve nous apparait con rre une transcription des pensees du reve, dont nous ne pourrons connaitre les signes et les regies que quand nous aurons compare la traduction et l'original... Je ne jugerai exactement le rebus que lorsque je renoncerai a apprecier ainsi le tout et les parties, mais m'efforcerai de remplacer chaque image par une syllabe ou par un mot qui, pour une raison quelconque, peut etre represente par cette image. Ainsi reunis, les mots ne seront plus depourvus de sens, mais pourront former quelque belle et profonde parole. ("Science des Reves", page 242).

Mais, si le reve est la voie royale qui permet d'apprehender l'existence et le fonctionnement de l'inconscient, sans contradiction d'ailleurs avec des modes physiologiques d'apprehension des memes processus, ce n'est pas, tant s'en faut, le seul indice. En fait, toutes les perturbations du langage "normal" sont des indices qui renvoient au fonctionnement latent de l'autre langage, selon Freud: les lapsus, les jeux de mots, les failles dans le comportement traduisent l'inconscient. Nonseulement c'est le point de depart de la theorie freudienne, mais c'est aussi la base de la pratique de la cure, dans laquelle n'intervient rien d'autre que cette traduction. L'un des fonctionnements les plus interessants du langage de l'inconscient est sans doute celui dujeude mots, que Freud appelle mo t d'esprit; car il contraint a prendre en compte le corps social au milieu duquel se produit le jeu de mots. Freud remarque qu'on nerit pas seul d'un mot d'esprit: C'est la une activite hautement socialised, ac-complie souvent selon des rites culturels, divers selon les aires geographiques. Pourtant le mot d'esprit est un rebus, comme le reve; comme le reve, il condense, travaille le langage habituel, et suscite le rire au moment ou deux messages coexistent dans le meme mot, deux messages tous deux connus des rieurs. Si l'un des auditeurs ne connait pas l'un des messages, il ne comprendra pas, et il ne rira pas; nous avons bien du mal, dans le livre de Freud consacre aux mots d'esprit, a comprendre les histoires juives qu'il raconte, parce que l'un des langages employes par Freud est pour une grande part historiquement perime, celui de la communaute juive de Vienne en 1900. L'inconscient n'est done pas seulement le langage individuel d'un sujet, qui parlerait en langue commune et aurait par ailleurs son propre dialecte latent l'inconscient fonctienne selon les lois d'un langage partage par tous les membres d'un meme groupe culturel, obeissant aux memes normes, parlant la meme langue; c'est pourquoi precisement un psychanalyste peut dechiffrer et comprendre ce qui se passe dans un autre que lui: parce que, la base de langage etant la meme, il pourra entendre les jeux de mots, les decompositions, les traductions effectuees dans et par l'inconscient, instance qui deborde l'opposition traditionelle entre le collectif et l'individuel. Le langage est done la base sur laquelle s'opere le transfert, c'est-a-dire l'etablissement d'une relation, privilegiee dans la cure, et, dece fait, therapeutique, entre deux structures subjectives, chacune pouvant restituer a l'autre la continuite de son discours, ponctue d'absences, de trous, le reves, de jeux de mots. Le travail sur le langage dans la psychanalyse s'effectue en effet sur la соntinuite: chaque sujet emet un discours conscient discontinu, auquel manquent des elements de langage verbal qui se disent ailleurs, autrement: dans le corps, dans les gestes, dans les actes, et si ces actes ou ces gestes ne correspondent plus aux normes sociales en vigueur, ils sont declares pervers, ou pathologiques, ou fous. Guerir, c'est retablir la continuite defaillante, et cela ne se peut faire que dans le rapport a un autre inconscient. C'est ainsi que chacun peut restituer a l'autre son discours, le discours de l'autre.

Freud appelle ce processus la construction analytique ("Constructions en analyse"). Il nes'agit pas de faire surgir par le dialogue, une verite evenementielle qui aurait eu lieu dans un passe oublie, l'oubli etant la couverture qui rend le refoulement de l'evenement pathogene; il s'agit bien effectivement d'un travail sur le passe, mais d'un travail de construction qui se fait dans le temps present, dans le transfert, c'est-a-dire dans une relation de langage. Les souvenirs oublies qui refluent pour le patient en analyse lui reviennent en memoire parce qu'il les dit a quelqu'un d'autre, et lui reviennent pour cet autrela, qui fait figure actuelle des personnages de ce passe reconstruit. Onne pourra pas verifier les dires du patient, puisque le passe est inverifiable, sauf a ouvrir une enquete, ce qui n'est pas le but de la psychanalyse; l'essentiel tiendra done dans le recit que le patient pourra faire, peu a peu, de sa propre histoire. Lacan formule ainsi cette part de la demarche freudienne: "Ce que nous apprenons au sujet a reconnaitre comme son inconscient, c'est son histoire c'est-a-dire que nous I'aidons aparfairel 'historisation actuelle des faits qui ont determine deja dans son existence un certain nombre de "tournants" historiques. Maiss'ils ont eu ce role, c'est deja en tant que faits d'histoire, c'est-a-dire en tant que reconnus dans un certain sens ou censures dans un certain ordre". ("Fonction et Champ de la Parole et du Langage", Seuil, page 261, in "Ecrits", C'est dire encore que, dans cette construction de langage entre deux subjectivites dont chacune renvoie a l'autre un ordre a soi-meme inconnu, s'elabore une histoire, celle de l'lnconscient.

On le voit, Freud pratiquait la fonction du langage, et Favait deja, pour une bonne part, reflechie et theorisee. Cependant il nous serait difficile de faire une telle lecture dans l'apport de Jacques Lacan, qui a systematise les decouvertes de Freud sur Faction du langage, et qui, reflechissant sur les innovations theoriques de la linguistique et de la rhetorique a introduit dans la theorie psychanalytique des notions nouvelles: importees de la rhetorique, les notions de ponctuation, de metaphore, de metonymie; importee de la linguistique saussurienne, la notion de signifiant. Ce terme, dans l'oeuvre de Saussure, forme, avec le signifie, l'ensemble qui constitue un signe: "entite qui 1) peut devenir sensible et 2) pour un groupe defini d'usagers, marque un manque en elle-meme.La part du signe qui peut devenir sensible s'appelle, depuis Saussure, signifiant, la part absente, signifie, et la relation qu'ils entretiennent, signification." ("Dictionnaire Encyclopedique des Sciences du Langage", Todorov-Ducrot, Seuil, page 132). Le signifiant, partie materielle du langage, peut devenir sensible des qu'il est emiset percu, sous forme de sons, de gestes, de lettres, sous forme d'element materiel. Mais, pour que ce signe, alors actualise, soit percu, il faut qu'il soit reconnu par un groupe, un ensemble culturel, car "le signe est toujuors institutionnel" (op. cit). Sans cela, il ne se transmet pas. Quant au signifie il renvoie a un manque dans la signification, car l'objet signifie peut ne pas etre present dans le reel, iln'en sera pas moins signifie. Jacques Lacan, sur cette base communement admise (compte non tenu ici des debats philosophiques importants poses par cette definition de la signification) retient de l'algorithme saussurien (S) d'abord la barre qui separe le signifiant du signifie: peu importante pour Saussure, elle devient decisive pour Lacan dans la mesure ou il Finterprete, metaphoriquement, comme la barre du refoulement, "resistante a la signification" ("L'instance de la lettre dans l'inconscient"). Le signifiant renvoie done a la possibilite d'un fonctionnement apparernrrent autonome, qui en tous les casne tient pas compte d'une correspondance terme a terme entre signifiant et signifie: il existe des decalages, des ruptures, des manques analogues, voire identiques, a ceux qui marquent les effets de l'lnconscient sur le conscient. On cherchera done comment fonctionne le signifiant; pour Lacan, ce fonctionnement comporte deux axes. Preincrement le signifiant est la plus petite unite de langage, c'est une structure localisee, (cepourquoi Lacan l'appellela lettre): deuxiememr.nt il se compose en chaines fermees, par empietements constituants, jusqu'a ce que le sens se forme par arret de la chaine. Cet arret qui definit le sens, qui stoppe le glissement incessant du signifie sous le signifiant, Lacan decide de l'appeler la ponctuation, sans que le sens de ce terme soit fondamentalement different de celui qu'on lui connait dans l'utilisation grammatical et styiistique: scansion, marque d'arret, respiration des phrases, moment "ou la signification se constitue comme produit fini" ("Subversion du sujet et dialectique du desir"). Mais cette ponctuation met fin a un processus qui emane de l'au tre, l'autre, condition necessaire de tout echange de mots: ce pourquoi l'analyste, quand il intervient alors qu'il est deja l'autre, done patient, introduit une ponctuation, rien de plus, dans l'ordre d'une chaine de signifiants". Ainsi, c'est une ponctuation heureuse qui donne son sens au discours du sujet". ("Fonction et Champ de la Parole et du Langage", page 252) De cette conception de la ponctuation depend une conception de la pratique sensiblement modifiee, en particulier en ce qui concerne la duree de la seance de psychanalyse, qui, plus ou moins fixe dans une tradition freudienne implicite, peut des lors etre raccourcie ou rallongee par l'analyste, comme fait une ponctuation, et servir au maniement du temps dans la cure.

C'est dans le meme esprit que Lacan a reinterprete les termes freudiens qui decrivent les mecanismes du reve, condensation etdeplacement. Le premier correspond a la figure rhetorique de la metaphore, qui prend "un mot pour un autre" qui substitueun signifiant a un autre dans la chaine signifiante: ce processus est celui de la poesie, qui assume dans la creation ce qui, dans le langage commun, est considere comme lapsus, erreur, manque. Le second mecanisme, celui du deplacement, correspond a la figure da la metonymie, qui prend la partie pour le tout: ceci s'applique particulierement a la fonction du desir, qui s'attache a un objet partiel, une partie, indefiniment partielle, etrenvoyant indefiniment a la totalite du desir. Si la cure psychanalytique peut eclairer la metaphorepar exemple sous la figure du symptome, qui prend un bout de corps pour un mot - et relier des correspendances implicites, done pathogenes, elle ne viendra pas a bout du desir, de la metonymie, figure qui suppose un perpetuel rebondissement de langage; c'est que le langage ne cesse pas, si meme une ponctuation definitive (la mort) vient mettre fin au discours detelou tel. Progressivement, dans la pensee de Lacan, le langage renverse la problematique philosophique idealiste d'un sujet conscient, possedant le langage comme un outil; si le role "instrumental" du langage n'est pas niable, ce n'est plus dans son rapport au sujet individuel qu'il convient des lors de le penser, mais dans son rapport au groupe qui tient le langage, et est tenu par lui. Cette dimension fondamentalement sociale du langage confirme l'hypothese de Marx et Engels: "Le langage est la conscience reelle pratique, existant aussi pour d'autres hommes, existant done alors seulement pour moi-meme aussi, et, tout comme la conscience, le langage n'appa-rait qu'avec le besoin, lanecessite du commerce avec d'autres hommes". Par ailleurs la VI eme these sur Feuerbach d'ldeologie Allemande (e'est moi qui souligne les deux derniers termes. CC) interdit de penser qu'il s'agit la d'une conscience subjective individuelle, puisque "l'essence humaine n'est pas une abstraction inherente a l'individu isole" et qu'elle est "l'ensemble des rapports sociaux." Ceci se verifie completement dans la pratique analytique: dans la cure, au travers d'un echange qui passe par l'intermediaire de deux personnes physiques et morales (au sens juridique du terme), le langage commande l'echange, tient les subjectivites dans le meme reseau, tisse un discours commun et differencie a la fois. Ce discours est commun puisqu'il s'agit de la meme langue, du meme ordre que Lacan designe par le terme de sуmbоlique; et differencie car chacun constitue, dans son histoire propre, son propre vocabulaire, son propre lexique, que Lacan appelle l'imaginaire, langage a soi que soi-meme ne peut pas entendre, et qui sert d'ecran protecteur. La notion d'individu, done, et paradoxalement, disparait dans l'analyse pour faire place a celle de sujet: un sujet qui construit peu a peu le systeme de relations dont il est depuis sa naissance completement dependant a son insu: relations dans la famille, et, par la famille, "relations de classe", si Ton peut ainsi designer les images qui structurent l'ideologic imaginaire de chacun: comment il se reve, comment il pense etre, dans quelle classe il imagine etre, quel degre de conscience est, en definitive, le sien. Si du moins le psychanalyste у consent, qui peut, selon sa propre ideologic, bloquer ou non cette analyse, le sujet voit s'entrouvrir dans la cure l'ensemble des rapports sociaux dans lequel il se trouve situe: representation certes imaginaire, mais qui, par l'intermediaire de sa propre histoire, lui donne a penser, s'il le desire, sur la totalite de ses choix, anterieurs et a venir.

C'est dire que la finalite de l'analyse, que Lacan aborde avec d'infinies precautions et qui demeure sans doute le probleme essentiel a resoudre, peut changer d'orientation, comme elle a deja change dans le cours de son histoire. Il serait illusoire de penser qu'elle peut conduire a une mythique desalienation dans une liberation du langage autonome; tout aussi illusoire, et dans le meme registre, que d'avoir pu penser, comme les psychologues americains theoriciens du "moi autonome", qu'on pouvait construire un "moi fort" et "libre"dans l'identification a un autre: liens qui renforcent la dependance au lieu de la denouer. Si la theorisation de Lacan est exacte, le langage, leschatnes de signifiants-qui sont alors les memes dans le discours conscient et dans ce que Freud supposait stre un autre discours, inconscient, - ne peuvent disparaitre, puisqu'il font partiedu fonctionnement social du sujet; tout au plus peut-on penser, mais c'est fondamental, que la pratique psychanalytique, dans cette orientation, rend possible, comme le dit Lacan, une "prophylaxie de la dependance"; Connaitre les images a l'egard desquelles il est dependant a son insu, permet au sujet de les reconnattre et de les"traiter" avec plus de liberte, quand leur emprise se fait sentir. Ainsi, au dela de la guerison, dont le terme renvoie surtout a un critere social et culturel, la psychanalyse, comme pratique de langage, debouche sur l'elaboration possible d'une reflexion a venir: la reflexion morale et politique qu'engage tout processus profond de transformation du reel. Celui-ci concerne la transformation subjective par le langage: meme si, comme c'est l'evidence, les effets en sont limites, c'est bien fondamentalement, de liberte qu'il est question.

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