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46. Проблема бессознательного А. Эй (Le probleme de l'inconscient. Henri Ey)

46. Le probleme de l'inconscient. Henri Ey

Hopital Psychiatrique de Bonneval, France

Les problemes de l'Inconscient et de la Conscience constituent un seul et meme probleme, car l'un se definit par l'autre et l'un et l'autre entrent dans la structure conflictuelle de l'etre psychique. Je me propose de ne le traiter que tres sommairement, puisque depuis de nombreuses annees j'ai beaucoup ecrit sur ce theme fondamental (J'ai depuis tant d'annees reflechi et ecrit sur le probleme de la Conscience et de l'Inconscient, que je puis renvoyer ici а Г ensemble de mon oeuvre psychiatrique et notamment a mes trois volumes des "Etudes Psych iatriques" (Desclee de Brouwer, Paris, 1952, 1957, 1960) - a mon livre sur "La Conscience" (Paris, P. U. F., 1964; 2eme ed., 1968) - a "L'Inсоnsсient " (C. R. des Journees de Bonneval 1966, Paris, Desclee de Brouwer, 1966) - a mon "Traite des Hallucinations" (Paris, Masson, 1973) - et a mes deux derniers ouvrages, "Des idees de Jackson a un modele organo-dynamique en Psychiatrie" (Toulouse, Privat, 1975), et en collaboration avec С Lairy, M. de Barros-Ferreira et L. Goldste-Inas, "Psychophysiologie du sommeil et Psychiatrie" (Paris, Masson, 1975). Tous ces livres, en effet, ont pour sujet principal les rapports de l'Inconscient et du Conscient dans l'organisation de la vie psychique. Mais je peux renvoyer encore specialement a certains de mes ecrits: a mon premier travail sur "La notion d'automatisme en psychiatrie" (E v о 1. Psych., 1932, III, 11-35) que j'ai place en tete de mon livre "Hallucinations et Del ire" (Paris, Alcan, 1934) - a mon article "Reflexions sur la valeur scientifique et morale de la Psychanalyse" (Enсephale, 1939, T. I, 189-220) - a "Les theories reflexologiques de I. P. Pavlov et la Psychiatrie" ( Evоl. Psych., 1947, I, 197-219) - a "La Psychiatrie devant le Surrealisme" ( Evоl. Psych., 1948, IX, 3-52) - a mon Etude n° 6: "Une conception psychogenetiste: Freud et l'ecole psychanalytique" - a mon Etude n° 7: "Principes d'une conception organo-dynamiste de la Psychiatrie" - et surtout a mon Etude n° 8: "Le reve "fait primordial" de la Psychopathologie" (Etudes, T. I., 1952) - ensuite a mon Etude n° II: "Impulsions" (Etudes, T. II, 1957) - a toutes les Etudes sur les "Psychoses aigues" et la "Destructuration de la Conscience" (Etudes, T. III, 1960) et specialement al'Etude n° 27. Je dois signaler aussi ma contribution aux "Journees de Bonneval" que j'avais organi-sees en I960, precisement sur le theme de l'Inconscient (C. R., Desclee de Brouwer, Paris 1966-cf. specialement pp. 247-252 et 257-289) - dans mon livre sur "La Conscience" (2eme ed., 1968), la quatrieme partie consacree a l'Inconscient (pp. 367-441) - le chapitre "Disorders of consciousness" dans le Handbook of Clinical Neurology (T III, 1969, 112-136) - mon rapport au I Xeme Congres Mondial de Psychiatrie, Madrid 1966: "La dissolution de la conscience dans le sommeil et le reve et ses rapports avec la psychopathologie. (Esquisse d'une theorie de la relativite generalisee de la desorganisation de l'etre conscient et des diverses maladies mentales" (texte integral in Evоl. Psych., 1970, 1-37) - 1 'article "Conscience" dans l'Еnсyclopedia Universalis, en 1969 - dans mon Traite des Hallucinations (1973), cf. surtout ma critique du modele psychanalytique de la projection de l'Inconscient (pp. 983-1067), l'expose de la theorie du corps psychique (pp. 1075-1176), la pathogenie des hallucinations (pp. 1222-1342), et la table generate des conceptscles (pp. 1433 -1438) - dans mon ouvrage "Des idees de Jackson a un modele organo-dynamique en Psychiatrie" (1975), notamment pp. 227-250 (Ontogenese du corps psychique - Dynamique des rapports du conscient et de l'inconscient - La structure normative du corps psychique - et la dynamique du negatif et du positif dans la desorganisation psychopathologique) - enfin dans le livre "Psychophysiologie du sommeil et Psychiatrie" (1975): Phenomenologie de Fevenement hypnoonirique. Sommeil, Reve et Psychopathologie (pp. 7-29) et les deux modalites du devenir inconscient (p. 280)).

Pour eclairer d'un mot ma position, je dois declarer tout d'abord que l'etre inconscient et l'etre conscient sont des modalites de la constitution et de la production du Sujet organise pour occuper sa place dans son monde par sa propre structure temporelle. C'est sa temporalite qui est visee par les interrogations sur la memoire, la perception, la creation, pour autant que ces "fonctions" sont plutot des modalites d'etre qui orientent le Sujet dans le passe, le present et l'avenir; car il ne peut etre que par son devenir, en emergeant de son passe, en le maitrisant dans et pour l'асtualite de son action pour en accomplir le prоjet. Le Sujet n'est confronte aux problemes de sa realite que par la possibilite d'etre tour a tour ou tout a la fois, conscient et inconscient. Autant dire que, pour moi, Inconscient et Conscient sont inseparables dans le cycle meme de la production de la vie psychique (Telle est, en effet, l'idee essentielle de ma conception organo-dynamique du corps psychique dont l'etre conscient et l'etre inconscient constituent des modalites du mouvement. Je ne serai pas plus sensible aux critiques que pourraient m'imputer telle ou telle position Ideologique que je ne me sens oriente en essayant de decrire objectivement les mouvements du corps psychique qui constituent la specificite de l'organisation de tous les hommes pour autant qu'ils ne produisent leur vie de relation que par leur propre corps). Et nous allons voir en effet, tout de suite, quelle absurdite represente la negation respective, ou de l'Inconscient, ou de la Conscience; negation qui est plus exactement celle de leurs rapports reciproques.

§ I - Le probleme du psychisme conscient et inconscient

Nous ne parlons pas de psychisme a propos d'un mineral - a peine con-sen tons-nous parfois а у penser pour les vegetaux; car nous n'accordons l'etre psychique qu'aux etres vivants dont se manifeste la vie de relation. Autrement dit, le "psychisme" estcette modalite d'etre qui est organise pour manifester le systeme de ses relations avec son milieu. Ce psychisme n'apparait done pas, ou apparaît peu dans les formes inferieures de la vie. Chez l'homme, par contre, il culmine dans l'organisation (ontologie) de l'individu comme sujet et agent de son propre monde, et dans la connaissance (gnoseologie) que lui-même et les autres peuvent en prendre. Relationnel et relatif, tels sont les deux attributs fondamentaux du psychisme. Mais il у а plus. Si le psychisme - et plus particulierement sa forme la plus evoluee chez rhomme - se definit par la communication avec l'autre (l'autre de la nature) et aussi les autres (l'autrui de l'espece humaine) et par l'adaptation au milieu, il se definit encore plus essentiellement par l'autonomie qu'il manifeste en etant precisement capable de se detacher du monde dont il fait partie. Au "relationnel" et au "relatif" nous devons done ajouter un autre attribut du psychisme, celui d'etre non pas reflexe mais reflechi; non pas reflet mais acte qui creuse entre le sujet et son monde l'espace d'une reflexion, un milieu () inter ieur qui mediatise la relation et la communication. U est, je pense, tout a fait inutile d'expliciter cette saisie phenomenologique de l'être psychique, e'est-a-dire de cette categorie d'être que nous refusons au mineral, dont nous doutons pour les animaux inferieurs mais que nous nous attribuons avec la certitude même de la meditation cartesienne qui, bien sur, renvoie Descartes et Husserl l'un a l'autre...

Pour le moment, et ici, il nous suffit d'enoncer les qualites essentielles des phenomenes psychiques dans leur generalite pour apercevoir que cette generality categorielle implique necessairement des distinctions qualitatives (des modalites d'organisation) ou quantitatives (des degres d'efficacite) a l'interieur même du systeme relationnel psychique.

Le psychisme apparait en effet - et necessairement - chez l'oiseau qui fait son nid aussi bien que chez le chasseur qui le vise avec son fusil, comme une " unitas multiplex", un ordre compose dans et par la temporalite de sa structure ontologique. L'oiseau qui fait son nid selon le programme genetique de son espece, adapte, dans son actualite, son acte selon sa propre experience (En francais, milieu se dit tout a la fois del'environnement et du centre, comme pour nous prescrire la dialectique meme du monde des objets et du Sujet), introduit du passe dans son present. Le chasseur qui le met en joue projette dans son action non seulementsa propre histoire qui s'y reflechit, mas l'anticipation des effets que vise son action. Il est bien inutile de multiplier a l'infini ces exemples donnes ici pour indiquer que le psychisme animal et le psychisme humain ont une sorte de denominateur commun: la conjugaison dans toutes les manifestations du psychisme de quelque chose qui est deja constitue et se reproduit, et d'un acte constituant qui se produit. Le psychisme est une modalite d'etre (il vaudrait mieux dire, une maniere de devenir ou de faire) qui comporte une structure d'implication. L'analyse structural (ontologique) du psychisme decouvre son enroulement et son deroulement dans un temps qui doit etre tout a la fois passe, present et a venir. Et si le psychisme ne peut jamais etre celui d'un instant mais implique que s'enrouleen lui-même son passe (Memoire) pour regler son present (Perception), la phenomenologie même d'un etre psychique, dans sa generalite, implique le partage, ou plus exactement le conflit entre une partie de lui-même inconsciente ou passee et la partie agissante dans son actualite presente.

Nous pouvons dire, des lors, en toute tranquillite et sans nous perdre dans les abimes metaphysiques, que le psychisme apparait comme une forme d'organisation qui maintient une division a l'interieur d'elle-même. La distinction du conscient et de l'inconscient s'impose comme dimension d'un psychisme superieur a structure hierarchisee d'integration. Telle est, en effet, la these qui fonde la notion même d'Inconscient:, car la notion de psychisme n'est pas coextensive a celle de conscience. Il у a done necessairement un psychisme inconscient. Mais ce tait a donne lieu a des interpretations et controverses.

§ II - Les discussions sur les concepts de conscience et d'inconscient

La perception de notre propre vie psychique et de celle des autres est la donnee originaire de toute experience humaine. Mais dans le meme temps ou apparait a chacun l'evidence du fameux Cogito, s'impose le double pro-bleme de sa generalisation a autrui et de sa limitation a l'ensemble de sa propre vie psychique. Nous venons d'exposer en preambule que celle-ci implique necessairement le partage, mais aussi l'integration de l'etre inconscient et de l'etre conscient. Mais des que Ton aborde ce probleme avec des presupposes metaphysiques, l'evidence de cette phenomenologie des rapports du conscient et de l'inconscient comme objets de la dialectique meme de la connaissance de l'être humain, disparait. Et c'est ainsi que deux negations se sont toujours opposees, toutes les deux egalement fausses pour, chacune, ne nier un des termes (Conscient ou Inconscient) qu'en en rapportant tous les attributs a l'autre. Mais c'est la realite de l'articulation du Conscient et de l'inconscient qui est alors remise en question lorsqu'est proclame que l'inconscient n'existe pas, ou que la Conscience n'existe pas, alors que l'affirmation de l'une implique pourtant celle de l'autre... D'ou les contradictions qui eclatent dans les theses, soit de la negation de la Conscience, soit de la negation de l'inconscient.

La negation de la conscience, meme dans sa forme la plus courante, celle qui la tient pour n'etre qu'un epiphenomene, cette negation ne peut evidemment se soutenir qu'en etendant a tout le psychisme les attributs de l'inconscience et qu'en supprimant de tout le psychisme les attributs de la conscience. Cette negation est generalement formulee par les theoriciens d'une conception deterministe-mecaniciste de l'ensemble du psychisme. Le developpement du neo-positivisme logico-mathematique de l'ecole de Vienne (B. Russell, A. N. Whitehead, L. Wittgenstein, etc) a beau-coup favorise au cours de ce siecle ce mouvement de pensee. C'est dire que ce sont les psychologues les plus associationnistes, atomistes et mathemati-co-physiciens, et plus souvent encore les neuro-physiologistes behavioristes ou neuro-cyberneticiens qui nient la conscience. Tout le monde connait la position de Uttley, Shannon, Stanley Cobb, G. Ryle, etc L'operation consiste a reduire l'activite consciente a quelque chose qui ne Test manifestement pas (la machine electronique). Et c'est ainsi que toutes les interpretations du fonctionnement cerebral isomorphe a l'activite de conscience et, par reference, aux simulations des montages stochastiques et aux modeles neuro-dynamiques (Ashby, Grey Walter, McCulloch, Rosenblatt, Mirsky, etc), lorsqu'elles poussent si loin leurs analyses et les constructions en "animant" de calculs, de previsions, de probabilite aleatoire le fonctionnement de la pensee, excluent de ce determinisme machinal (ou plus exactement encore, at-tribuent a la machine meme la propriete refusee a la conscience; ce qui n'est pas sans laisser perplexe l'observateur critique de cette operation logique, puisque en definitive, de tels procedes d'analyse reviennent a evacuer du systeme ce que Ton у reintroduit par une autre voie d'entree et qui n'est rien d'autre que l'invention meme du schematisme de la pensee de l'inventeur ou du cyberneticien lui-même.

Il en est de meme pour une autre negation de la Conscience, celle-la plus repandue encore et plus subtile: c'est la theorie même de l'lnconscient sur le modele freudien. Freud et les Psychanalystes, certes, ne vont pas generalement jusqu'a cette negation, mais le schema de l'appareil psychique, de son economique comme de sa topique, evacue pratiquement (sinon theoriquement) de l'appareil (Apparat) psychique la conscience qui est generalement tenue, comme Freud le dit du Moi, pour "ein armes Ding" (une petite chose)...

Pour etre formulee en termes empruntes plutot a la thermodynamique qu'a la cybernetique et a l'informatique, la theorie freudienne de la conscience ne s'en rapproche pas moins de certains modeles cybernetiques et reflexologiques (Je ne peux pas insister ici sur les rapports de la reflexologie avec la Psychanalyse dans cette malencontreuse theorisation qui a pourtant satisfait tant d'esprits (Roland Dalbiez en France, en 1938)), en ce sens qu'elle entend a la considerer comme un "epiphenomene". Bassine (Nous devrions a chaque Iigne de ce texte nous referer aulivre de Ph. Bassine. C'est lui qui a fourni la trame de cet expose. Je me trouve d'accord avec lui sur plusieurs points fondamentaux (cf. les conclusions de cet article), en regrettant que fauteje pense de connaitre suffisamment mes travaux il ne se soit pas lui-même apercu de la convergence de nos idees. Les travaux de Volpert, Anokine, Ouznadze, Leontiev, me paraissent rapprocher mon point de vue de celui des Psychologues russes) a tres bien repere la fonction negative de la conscience qui consiste pour la theorie de l'lnconscient, selon Freud, a attribuer l'activite de la conscience a l'lnconscient (Il est assez curieux que la critique du philosophe marxiste Politzer qui a eu tant d'impact en France ne soit pas meme mentionnee par Ph. Bassine, alors qu'elle est allee dans le sens de sa propre conception anti-freudienne, tout au moins dans le premeir mouvement de son oeuvre). Nous reviendrons plus loin sur ce point fundamental. Qu'il nous suffise ici de souligner qu'une Psychologie des profondeurs qui tient l'ensemble du psychisme sous l'hegemonie, sous la toute-puissance de l'lnconscient, et cela jusqu'a renoncer a la reciprocite de l'lnconscient et du Conscient enoncee pourtant dans la premiere these freudienne du refoulement, cette Psychologie qui fait de l'lnconscient la force principale, sinon unique de la vie psychique, constitue bien une negation de la conscience consideree par elle, des lors, comme un "epiphenomene"...

Le negation de l'lnconscient. Cette these revient a assimiler psychisme et conscience. C'est dire que pour nier l'lnconscient, elle s'efforce d'immerger la conscience dans la couche de l'activite "subliminale" et automatique de sa production. C'est ainsi qu'il faut comprendre que, pour la plupart des philosophes classiques et specialement au "Siecle des Lumieres," la pensee etant elle-même pensee dans le "Cogito", c'est-a-dire dans et par la prise de conscience de la reflexion, il у aurait comme un scandale logique a parler d'une pensee inconsciente, d'un psychisme inconscient. Cette these a ete toujours et abondamment soutenue. Une des formes les plus typiques de cette assimilation du psychisme de la conscience est representee par la psychologie de Wundt qui tient pour son objet la totalite du processus psychique. Ceci (note avec beaucoup de pertinence Ph. Bassine) lа conduit a parler en même temps de pensee inconsciente et d'operations logiques inconscientes. C'est que (depuis Helmholtz, et bien sur deja depuis Leibniz) il est impossible de soutenir que tout le psychisme est conscient, même quand on etend la sphere du conscient jusqu'aux elaborations profondes imperceptibles ou implicites de ses modalites de production. De sorte qu'il ne faut pas s'etonner qu'a propos de Husserl, tout comme a propos de l'Aktpsychologie ou de la Gestaltpsychologie (qu'il s'agisse en France de Bergson et même de Th. Ribot, ou en Allemagne de Dilthey, Brentano, Munsterberg, etc.), la these de la transparence de la pensee liee a sa propre activite reflexive (la negation de la pensee inconsciente) est demeuree, pour contestable qu'elle soit, comme une constante de la pensee philosophique contemporaine (Heidegger, notamment). Toutes les discussions entre les ecoles phenomenologiques et psychanalytiques sont la, comme pour attester tout a la fois la tendance et l'impossibilite pour une "psychologie de la conscience pure" de la separer radicalement d'une couche psychique inconsciente (Sur cette these de la negation de l'Inconscient, cf. les С. R. du Соllоquede Воnneval (1966) sur l'lnconscient, et mon livre sur "La Conscience" (2 eme ed., 1968, pp. 378-388). Cette position anti-inconscient s'est beaucoup developpee en se confondant avec l'opposition a Freud, notamment dans les ecrits de style phenomenologique). Tout comme il est impossible de soutenir la negation de la conscience sans la reintroduce subrepticement.

Ce que nous venons de formuler en ces quelques lignes sur la negation de la conscience et la negation de l'lnconscient comme negations reciproques, c'est-a-dire empiriquement et logiquement impossibles, nous pourrions le dire en prenant le probleme a l'envers, c'est-a dire en montrant qu'affirmer les modalites reelles de la conscience, c'est affirmer en même temps la realite de l'inconscient pour autant que la conscience ne peut se definir que comme une modalite de la vie de relation du Sujet qui implique une autre maniere d'être pour soi et les autres. Inversement - et c'est un des grands reproches que je fais a la theorie freudienne de l'lnconscient - affirmer l'lnconscient, c'est poser du meme coup la Conscience dans sa realite et son activite, et non pas la traiter seulement comme un vague reflet, sinon meme l'effet de l'lnconscient.

Disons d'un mot que la these de la transcendance de la conscience reflexive saisie comme dialectique de la production, implique celle de l'immanence de l'inconscient saisi comme motivation; ou plus exactement, il faut dire que la modalite consciente du psychisme est bien sa fonction d'integration, mais a la condition toutefois de ne pas separer, par un retour subreptice au dualisme, la Conscience de l'lnconscient. Car en separant la forme de la matiere, l'integrant de l'integre (comme tant de philosophes ont' distingue le cheval de son cavalier) sans tenir compte des rapports qui lient et subordonnent Tun a l'autre, on en vient necessairement a exclure Tun des termes de leur union.

Toute negation absolue de la part consciente ou de la part inconsciente se detruit par elle-même. Mais l'affirmation de Tune par l'affirmation de l'autre pose la problematique de leur relation et, par-dela, de leur reciprocite reverberant les rapports reels de subordination dans l'ordre compose de la vie psychique (Tout cela a ete developpe par moi dans le livre sur "La Conscience " (2eme ed., 1968, pp. 367-483) et repris dans mon ouvrage "Des idees de Jackson a un modele organo-dynamique en Psychiatrie" (1975)).

§ III - L'être et le devenir conscient

Au lieu du substantif "la conscience", je prefere parler de l'etre et du devenir conscient, car l'emploi de ces verbes correspond mieux aux actes, aux temps de la conjugaison de l'lnconscient et du Conscient. L'être conscient ne doit pas en effet s'entendre comme un "etat" ou une fonction, mais comme le mouvement meme qui assure a chaque moment du temps et au travers de ses instants successifs l'ordre des rapports du sujet a son monde. A cet egard, j'ai ecrit dans mon livre sur "La Conscience" (2eme ed., 1968, pp. 22-41) que la conscience est au temps ce que le corps est a l'espace, et que, etre conscient c'est disposer d'un modele personnel de son monde. En donnant un sens fort au verbe "disposer de" (Les expressions "a son gre", "a sa guise", "par sa seule volonte", declinent et renforcent le sens de ce verbe "disposer", en soulignant le caractere facultatif, libre et plastique de l'usage intentionnel, sinon volontaire fait par le sujet, du modele de son monde), j'ai voulu indiquer que la representation du monde (souvent seulement visee par la definition de la conscience) ne suffit pas pour indexer la part qu'y prend le sujet, car l'acte de conscience, la prise de conscience comporte essentiellement la possibilite pour le sujet de le maitriser. Ce que nous devons decrire comme le processus meme du devenir conscient, c'est done le mouvement de la liberte dont dispose le Sujet pour regler son systeme relationnel avec la realite. Car, bien sur, l'etre conscient c'est la modalite d'etre qui dispose d'un systeme de la realite. Certes, celui-ci se conforma a la loi, mais a une loi qu'il se prescrit lui-meme. Nous verrons plus loin dans quelles conditions, mais pour le moment il nous suffit de considerer que le "devenir conscient" c'est la dialectique de la production meme du Sujet par lui-même.

Trois ordres de faits permettent une connaissance plus precise des conditions (et de la phenomenologie) de "la conscience" en la substituant a des speculations abstraites: l'ontogenese du psychisme - l'etude du sommeil et du rêve - et la psychopatholоgie.

- L'etude du developpement du psychisme, de la naissance jusqu'a l'age adulte, a ete entreprise dans deux directions: l'une, psychanalytique, a permis depuis la decouverte par Freud de la sexualite infantile (ou plus exactement, de la libido) de suivre le developpement de l'etre conscient en tant qu'il institue le systeme de la realite tout a la fois dependant du principe de plaisir (le Moi comme bourgeon narcissique) et refoulant les pulsions. La celebre formule "Wo es war soil ich werden" doit a cet egard retenir l'attention et etre rappelee notamment aux Psychanalystes qui l'ont oubliee ou n'en ont pas compris la portee - L'autre direction, celle de la psychologie genetique, illustree par Jean Piaget a montre comment le developpement du psychisme constituait une autoconstruction: la structuration du Moi comme etre conscient se confond avec son ontogenese. De sorte que lorsque J. Piaget, en theoricien de la psychogenese de l'intelligence (Il importe evidemment de rapprocher de ce modele genetique de l'autoconstrution rationnelle, des divers modeles de "learning", et cela d'autant plus facilement que ces modeles "behavioristes" sont de plus en plus "molaires" (Tolman) et de moins en moins moleculaires, en faisant intervenir un self-controle dans l'integration de l'experience et des habitudes (Maslow, Sutherland, R. Garner, etc. ). Evolution que, dans les ecoles de psychologie sovietique, on peut observer egalement avec les nouvelles tendances a une psychologie plus dynamique (N. Bernstein, B. Anokine, D. Ouznadze, A. Pranguich-Vili, A. Cherozia etc.) dont le modele parait etre le fameux schema Tote (Miller, Galanter et Pribram), en tant qu'il implique f'idee de plan d'action et de signification, si je l'ai bien compris) en decrit les phases (comme une sorte d'embryologie de la raison) et les successives fonctions operatoires d'organisation (ou d'integration) par assimilation et par accommodation, non seulement il trace l'epistemologie genetique de la realite du monde pour le Sujet, mais du même coup il decouvre l'objectivation de la structure rationnelle du Sujet lui-même. La decouverte de cette organisation de l'etre conscient par son devenir est, a cet egard symetrique et au moins egale en importance a celle de l'lnconscient. Mais pour souligner encore davantage le caractere essentiel de ce schematisme progressif de l'auto-construction de l'etre conscient, nous devons ajouter une remarque tout aussi importante: c'est que le developpement psychique n'est possible que par la constitution d'un milieu interieur de mediation entre le Sujet s'ouvrant a la conscience ou ses rapports avec le monde, et avec ce qui en lui est - et restera - refractaire a sa propre connaissance. Ce "milieu" c'est le langag e, ce "deuxieme systeme de signalisation" ou cet ordre symbolique qui est l'organon de la "praxis humaine". Ce "langage" n'est pas reducible a un code fabrique par la communaute culturelle; il ne constitue pas seulement un "corpus" (phonologique, lexical, grammatical et syntaxique) des regies imposees par le groupe pour permettre de s'entendre en general et dont la morphologie signifiante, objective ou structurale est l'objet de la linguistique. Le langage en tant qu'il est systeme relationnel dans et par lequel le Sujet construit son monde est plus profondement usage et production du modele qui lui est propre. La propriete de sa propre existence, le Sujet l'acquiert, la conquiert par l'elaboration de son discours sur lui-même et les choses; il apprend a l'assurer en la parlant, et, par ce moyen, a la realiser. Toutes les discussions sur les chaines phonatoires ou typologiques des signifiants et leurs effets de sens (de F. de Saussure a Hjelmslev) et leurs references au signifie, auquel seul le Sujet peut donner le sens originaire, gravitent autour de ce double aspect, de ce double niveau de la structure de la parole comme fonction d'organisation de l'etre conscient (Cf. Henri EY, "La Соnsсienсe ", 2e ed., pp. 457-477). A cet egard, une certaine reaction post et même antistructuraliste (Benveniste, Frage, l'ecole de Chomsky) me parait aller plus naturellement dans le sens de la production de l'homme par l'homme; celui-ci se fait par la conjugaison même du discours qu'il a certes appris, mais qui ne vaut pour lui que dans la mesure ou il peut lui-même - a travers les pieges, les equivoques, les doublesens de sa formulation-rechercher sa propre verite. Loin d'etre un "conditionnement", le langage est au contraire l'instrument par excellence de l'autonornie du Sujet, de son "style" personnel. C'est que l'ordre symbolique du langage est cette sphere de l'etre qu'un Sujet creuse a l'interieur de lui-même pour constituer ce que toutes les analyses de la conscience montrent et demontrent: l'espace de la representation, de cette premiere objectivation du modele du monde qui s'en-roule dans la reflexion pour permettre a Taction de se derouler. A ce propos, Maine de Biran, Humboldt, Bergson, W. James, Husserl, A. Leontiev, S. Rubinstein, J. Piaget et D. Ouznadze, tiennent sur la structure discursive du devenir conscient et le lieu de sa mediation, le même discours. C'est en tout cas celui que j'entends.

- Une autre categorie de phenomenes fait apparaitre l'être et le devenir conscient comme une modalite "transcendantale" de l'existence. C'est tout simplement le noyau central de la subjectivite immanente, c'est-a-dire celle du sоmmeil et du rêve. Cette modalite d'etre reveur est la comme pour nous rendre conscient, a notre reveil, de la marche ascendante de notre conscience. On a tellement discouru, mais aussi decouvert tant de choses (surtout depuis trente ans et dans tous les domaines, psychanalytique, et neuro-biologique specialement) surle phenomene hypno-onirique qui fait tomber l'homme pendant plus du tiers de sa vie dans l'inconscience, que je puis me contenter de rappeler dans cet expose tous ceux, nombreux, que j'ai deja faits de ces recherches (Le chapitre "Neurobiologie du champ de la conscience" de mon ouvrage sur La Conscience (2e ed., 1968) devrait etre complete et corrige par les nouvelles contributions et controverses sur le sommeil rapide et paradoxal, les PMO, les correlations des divers types et phases du sommeil avec l'experience onirique, le split-brain, etc. Notre livre recent (H. EY, С Lairy et coll.) sur la Psychophysiologic du sommeil (1975) m'a d'atlleurs permis de preciser ma position). Mais je voudrais preciser que, contrairement a une idee "romantique" si aisement exploitee dans les "temps modernes" par le culte de l'irrationnel du reve et du mythe, le reel vaut plus que l'imaginaire, la pensee vigile plus que le reve. C'est en effet ce que demontre l'evolution même de la vigilance (non seulement des diverses objectivations comportementales ou electrogenetiques de l'"arousab mais toutes les analyses du comportement adaptatif de la pensee constructive, et plus generalement de toute production). Si chez le nouveaune il n'y a pas encore de vigilance c'est-a-dire de rythme sommeil-rêve, il у a longtemps (Goltz) que Ton sait que cette alternance est contemporaine des fonctions nerveuses superieures corticales (Pavlov) et specialement frontales (К- Н. Pribram et A. Luria), celles que H. Jackson definissait comme le "highest level", ne sont possibles que dans et par la constitution du champ operation-nel de la conscience. Il nous suffit ici d'en faire la remarque, remarque d'ail-leurs d'une importance decisive pour le probleme qui nous occupe.

- Il у a une troisieme categorie de faits qui est fondamentale pour la connaissance de l'etre ou du devenir conscient, ce sont les phenomenes psychopathologiques, quand on sait vraiment les comprendre.

La consideration des manifestations psychopathologiques conduit en effet necessairerrent et originairement les Cliniciens a se poser le probleme de la conscience, puisque le malade mental (nevrose ou delirant) n'apparait comme tel que par la manifestation anormale des rapports du Conscient a l'Inconscient. L'etude des emergences, de la force, des systemes ideo-mnesiques inconscients, a entraine Freud, a lagrande epoque de l'hypnotisme, a interpreter les maladies mentales (ainsi que le reve) en les reduisant a projection d'idees ou d'affects inconscients. Pour ma part, c'est une hypothese inverse qui m'a permis de travailler a une mise en ordre du champ de la Psychiatrie. Il m'a paru en effet que ce n'est pas par l'Inconscient que doit s'aborder la description et la pathogenie des Nevroses et des Psychoses, mais par les anomalies de l'etre conscient. Etre hallucine, delirant, schizophrene ou hysterique, ce n'est pas seulement etre mu par les forces inconscientes qui poussent constamment par leurs desirs et leurs exigences instinctivo-affectives a percevoir, croi-re ou imaginer, c'est ne pas pouvoir normalement resister a ces forces. Autrement dit, la notion jacksonienne du trouble negatif de l'integration de la vie psychique est pour moi fondamentale. Et c'est ainsi que mes longues etudes cliniques sur la structure et l'evolution des Psychoses m'ont permis de dresser un tableau de la decomposition de l'etre conscient (Jackson disait dissolution, et pour ma part je dis, aussi, souvent destructuration ou desorganisation) et de me faire naturellement une idee sur la composition, l'architectonie structurale de l'etre conscient. C'est ce que je voudrais en quelques mots rappeler ici.

En Psychopathologie, on a classiquement mais abusivement restreint les "troubles de la conscience" a une petite partie des Psychoses aigues (Confusion, Psychose de Korsakov, Etats oniriques ou stuporeux, etc.). Je suis done parti dans mon etude des Psychoses aigues de l'analyse de ces "etats" pour montrer que, loin de se limiter a eux, le concept de destructuration du champ de la conscience s'appliquait a toute la serie hierarchisee des formes des psychoses aigues, у compris celles que, assez arbitrairement, on separait des "etats confuso-oniriques" en les appelant etats dysthymiques. Cette operation d'unification clinique realisee (Tome III de mes Etudes, lere edv 1954), j'ai pu ensuite presenter une analyse phenomenologique et clinique du champ de la conscience qui apparait, en effet, a travers l'analyse spectrale de la pathologie des Psychoses aigues en general, comme une resultante des activites qui reglent l'organisation de l'experience actuellement vecue. Et c'est ainsi qu'en 1964, dans la premiere edition de mon livre sur "La Consciеnсе ", j'ai pu approfondir et ordonner cette conception du champ de la conscience comme lieu de la production de l'experience actuelle. J'ai montre comment celle-ci n'est possible que par une organisation hierarchisee et implicite de l'etre conscient en tant que Sujet de l'experience la vit, en se referant a son systeme de realite. Les divers niveaux de cette "conscience constituee" quand le Sujet a cesse d'etre un enfant ou lorsqu'ir se reveille, impliquent en effet l'evolution et la solidite d'une infrastructure (d'un invariant formel). L'archeologie de cette infrastructure appa-rait dans le mouvement inverse du devenir conscient, c'est-a-dire d'abord aux niveaux les plus profonds auxquels le Sujet tombe pour devenir psychopathologique. Et ainsi se decouvre l'ordre hierarchique suivant: 1°) l'ouverture au cadre temporospatial (orientation) - 2°) l'organisation de l'espace vecu comme scene de la representation (experience thematique) - 3°) La structuration differentielle de l'objectif et du subjectif (mise au point de la realite vecue) - 4°) l'ordre temporel-ethique du mouvement d'exaltation (expansion vers l'avenir) ou de depression (retrogradation et fatalite du passe). Tel est le socle fonctionnel de Г infrastructure du champ de la conscience. Et sur ce champ normalement constitue peuvent alors s'operer les superstructures fa-cultatives qui sont les configurations personnelles de la production personnelle et reflexive du Sujet par quoi la conscience devient vraiment cre-atrice, c'est-a-dire elle-même constituante. Telle est l'analyse phenomenologique de l'être conscient considere dans sa fonction "synchronique ", c'est-a-dire celle qui accorde, dans la simultaneite de son champ, l'imaginaire et la realite dans l'actualite de son experience.

Mais je n'ai pas tarde a voir (Cf. La Conscience (troisieme Partie) pp. 255-367 de la 2eme edition) - puis mon Rapport au IVerne Congres Mondial de Psychiatrie, Madrid 1966 (C. R. in extenso, in Evоl. Psych., 1970, pp. 1-37) - et dans mon Traite des Hallucinations (1973) ou j'ai beaucoup elabore le modele structural des deux dimensions synchronique et diachronique de l'etre conscient) que si l'etre conscient ne pouvait se definir que par la disposition par le Sujet du modele personnel de son monde, il comportait une double dimension existentielle: celle de l'experience vecue (le champ actuel de la conscience), mais aussi celle de la constante trans-actuelle de sa propre personne (l'identite de la conscience de Soi, le "Self" ou le "Selbst"). Et c'est precisement le developpement diachronique de l'etre conscient (qui repond a la premiere formule de Freud "Wo es war soil i с h werden) qui constitue l'axe et la trajectoire axiologique du Moi, les structures implicites de la personne et sa faculte de les contenir - et l'historicite du Moi, c'est-a-dire le systeme de la realite de sa propre identite. Car on ne peut pas reduire la structure de I'etre conscient, son devenir, c'est-a-dire sa dynamique et sa dialectique, a la seule activite de son champ de production, puisque etre conscient pour un homme c'est se produire lui-même.

Voila done en peu de mots et reduit a sa plus simpliste simplicite, le "modele" de la structuration dynamique de I'etre et du devenir conscient que le Clinicien peut et doit tirer de la connaissance de sa decomposition, laquelle definit tres exactement le champ de la Psychiatrie. C'est que, en effet, le devenir conscient est la voie nоrmale (la normativite meme) que doit suivre le Sujet pour disposer de son monde; c'est la voie que parcourt en sens inverse la psyche pathologie.

§ IV - L'inconscient

L'Inconscient implique, somme toute, dans les structures et le mouvement de l'être ou du devenir conscient nous apparait, des lors, comme ce qui ne peut pas entrer dans le champ de la conscience et la conscience de soi. Il est egalement absurde de nier son existence et de lui accorder une realite egale - et même aux yeux des psychanalystes, superieure - a celle de l'être conscient. C'est essentiellement un etre de virtualite, et comme le disaient les scholastiques, une puissance par opposition a Facte. L'ontologie de l'être inconscient correspond a l'être de desir (au "hormique"), et a cet egard il a une positivite absolue, celle des tendances originaires (ou "instinctivo-affective" des tropismes, des reflexes innes, des montages preformes dans l'encodage du programme specifique). Et, en effet, c'est tout d'abord et foncierement comme horme (Monakov et Mourgue), comme force aveugle et fatale qu'est apergu et vecu l'inconscient en tant que manifestation du Qa qui est au fond de l'être (La loi de l'organisation specifique ne peut pas - et chez l'homme moins que chez les animaux - etre interpretee comme une norme absolue, pour la bonne raison que l'ontologie même de l'etre humain est essentiellement problematique. La normativite ne se injure pas quantitativement comme une moyenne arithmetique, mais qualitativemant comma la realisation maxima du programme vital par l'integration même des moyens a la fin. Dans la mesure ou la psychoide animale comporte, elle aussi, une possibilite de probleme et de choix c'est a-dire de conscience, son organisation même en la soustrayant a une regularite physique la rend vulnerable aussi (cf. sur ce point le chapitre que j'ai consacre a ce probleme dans mon ouvrage "Psychiatrie animale", Desclee de Brouwer, Paris 1964), mais par la meme passible d'un jugement de valeur normative). Cette poussee de la vie, même si elle ne se manifeste chez l'homme que par la mediation symbolique ou ses representants pulsionnels (fantasmes) et encore plus indirectement encore au niveau des spheres superieures de l'integration qu'elle anime, n'est precisement jamais "brute" pour etre toujours canalisee, differenciee et sublimee dans et par l'organisation de l'être conscient. Mais cet Inconscient specifique (et seulement animal, si Ton peut dire que l'homme n'est qu'un animal) est la comme la couche vitale du psychisme le Ca de G. Groddeck. Cet Inconscient vital ne se manifeste que dans la dialectique de ses rapports avec l'être conscient aux divers niveaux et phases du devenir conscient. Voila pourquoi j'ai souligne (La Conscience, 2eme ed., "La positivite de l'inconscient", pp. 444-454) la complexite et la positivite de l'inconscient. Sa complexite, car il est heterogene et comporte lui-même des categories, des travees d'organisation et des couples de forces. Sa positivite, car il represente le moteur de l'etre, ses sources energetiques et instinctives qui, effectivement, constituent la force "aveugle" du desir, le primat du plaisir, somme toute, la libido (Mais une libido inextricablement Нее a la destrudo). Ce tissu, ce mycelium en quelque sorte vegetatif, en effet, est une constante de lê'etre. Sa Constance, l'absolu de sa forme subjective d'"etre de desir" et de sa force fatalement narcissique, s'opposent necessairement a la legislation de l'être conscient (les regies qui forment la systematique de la realite et la prescription des fins ideales que promulgue le Moi). C'est bien dans ce sens que Freud - a propos d'une des modalites d'ailleurs fondamentales de l'Inconscient fantasmique - a defini l'Inconscient comme le "Refoule", l'interdit de sejour dans le lieu de l'activite consciente. Mais pour bien appre-cier la valeur et la realite de cette interpretation de l'Inconscient, il est necessaire de dresser une sorte de table de ses categories (Nous pouvons reprendre ici a peu pres les distinctions proposees par Leon Bellak (en 1959, Annales de l'Academie des Sciences de New York)).

Que ces "categories" puissent etre distinguees dans la masse des phenomenes inconscients, cela revient a dire que cette masse est heterogene bien sur, mais surtout qu'elle ne petit se reduire a un seul "principe", que ce soit celui du refoulement ou celui du plaisir, pour etre plus naturellement un effet diversifie des rapports reciproques entre les forces inconscientes et les structures de l'être conscient. L'Inconscient n'est pas seulement masque par le Conscient, il en est marque, pour en dependre, dans la mesure même ou celui-ci "refoule" ou "selectionne" celui-la.

La couche la plus "primitive" - celle de l'Inconscient originaire ou archaique appartient plus a l'espece qu'a l'individu, c'est la sphere des instincts, des besoins et aussi - ce que Jung avait mieux vu que Freud - les archetypes. Il existe, en effet, des manifestations communes de l'"âmе humaine" (Jung) qui sont dans l'ordresymbolique des formes specifiques des imagos, c'est a-dire en derniere analyse des tendances fondamentales de l'humanitequi forment son "noyau lyrique", la thematique romantique de l'irrationnel, les configurations esthetiques et magiques de sa mythologie. Ce n'est pas par hasard que Ton trouve le "Dieu inconscient" comme du culte des philosophes et des religions. Cela est particulierement evident de nos jours pour l'idolâtrie proprement asiatique qui exerce un si singulier attrait sur les hornmes occidentaux...

Mais la "decouverte de l'lnconscient" par Freud (pour lui voie royale du reve et des nevroses) nous a permis de connaitre une "realite" de l'lnconscient qui a une specificite humaine d'une autre nature, qui est precisement de n'etre pas naturelle, mais culturelle ou relationnelle. Les images, les fantasmes, le complexe ideo-affectif, tout le "monde des pulsions" qui ne sont precisement pas des instincts mais leurs representants, forment en effet une couche de l'être inconscient qui est essentiellement celui du "refoule". Sa constitution (comme sa manifestation) ne peut s'operer qu'au niveau de l'ordre symbolique qui, seul, permet les expressions heuristiques des rapports du desir et del'interdit, du plaisir et du reel, et de se jouer de la contradiction logique comme des contraintes temporo-spatiales. Et c'est, je pense, en mettant l'accent sur ces jeux qui ne peuvent en effet etre que des "jeux de mots", que J. Lacan a pu ecrire que l'lnconscient est structure comme un langage. Ce qui ne peut evidemment pas s'entendre comme si l'lnconscient etait definissable et formulable comme un texte parle, comme un enonce,, lequel est, au contraire - nous l'avons vu - une caracteristique de l'être ou du devenir conscient. Et par la nous voyons bien "ce que veut dire" l'Inconscient pulsionnel et l'ordre symbolique (le processus primaire, disait Freud) qui constitue sa forme: il manifeste la coalescence de la sphere instinctivo-affective avec la sphere cognitive au niveau des relations du Sujet et son monde lorsquecelles -ci ne peuvent pas ou ne peuvent plus etre integrees dans l'être conscient. Ainsi apparaissent les manifestations de l'lnconscient objet d'interpretation freudienne comme les signifiants qui indexent les phases intermediates, mediumniques, secondes ou automatiques ou s'exhalent, comme dans le reve, les vapeurs de l'Inconscient. Tel est le statut ontologique de la virtualite de l'Inconscient fantasmique et pulsionnel qui, echappant au controle de la Conscience mais en lui resistant, en depend aussi.

La structure dynamique, on pourrait dire embryologique des forces virtuelles de l'Inconscient, se manifeste encore par une autre modalite de l'lnconscient, celle que Freud appelait le "Preconscient" et qui, naturellement, fait partie de l'être inconscient pour у figurer le mouvement transitif, preparatoire ou consecutif du devenir conscient ou inconscient. Et c'est ainsi que Ton doit admettre avec Ph. Bassine, D. Ouznadze et A. D. Zourabachvili, et tant d'autres psychologu.es de l'Aktpsychologie, de Maine de Biran a J. Piaget, de Bergson a Husserl, etc etc-, qu'une grande partie de l'"iceberg" inconscient est constituee par le travail sous-jacent a celui qui s'opere dans le champ de la conscience, le prepare ou l'acheve.

L'Inconscient est done constitue par le champ immense des activites psychiques qui n'entrent pas dans "la conscience" soit dans l'actualite de son champ, soit dans l'ordre rationnel ou moral de sa personne. Cette activite sousjacente, virtuelle, desirante, est essentiellement heterogene; elle ne represente pas dans l'organisation de la vie psychique une sorte d'instance (energetique ou topique) exercant son hegemonie et son monopole (C'est cette "heterogenite" naturelle qui me porte autrement que par artifice eclectique a juxtaposer dans la sphere de l'Inconscient des categories dont aucune ne peut precisemert pretendre constituer le tout de la vie inconsciente. Cele me permet de marquer mon accord avec Ph. Bassine en ce qui concerne la realite du dynamisme de l'être conscient et sa continuite dans la sphere de l'Inconscient (par consequent sa critique de la theorie psychanalytique de l'lnconscient), mais mon desaccord quand il exclut de l'Inconscient l'elaboration de la libido et ses manifestations symboliques. Celles-ci ne peuvent pas etre autrement que symboliques pour ne pouvoir jamais manifester que l'interaction au niveau du langage de l'Inconscient et du Conscient). L'lnconscient doit etre considere a sa veritable place dans le systeme vivant de l'integration du corps psychique.

Si le "corps psychique" normalement integre contient (dans le sens d'imposer l'ordre de son organisation) l'lnconscient, on comprend bien que l'emancipation de l'Inconscient (sa "liberation", sujet de tant de controverses et de malentendus politico-ethiques) se manifeste necessairement dans les formes de sa desintegration psychopathologique.

Mais l'lnconscient se manifeste encore soit dans les acting-out, les actes precisement appeles manque de la vie normale - soit dans les manifestations de la pathologie des fonctions vitales (medecine psychosomatique) (Je me contenterai ici de cette seule allusion a un des aspects medicalement les plus importants des rapports de l'lnconscient et du Corps dans la Medecine pschyosomatique. Apres avoir lu tres attentivement les nombreusss et profondes reflexions (pp. 94-114 et 230-247) de Ph. Bassine, je me trouve certainement plus d'accord avec lui (cf. la Preface que j'ai ecrite pour le livre de J. P. Valabrega, 1954) qu'avec la plupart des interpretes psychanalystes de la psychogenese des Maladies. Il semble d'ailleurs que Ton revienne de plus en plus a une plus juste appreciation de la totalite psychosomatique ou somatopsychique (cf. "In psychosomatic Obsolete" , de F. A. Freyhan, Comprehensive Psychiatry, 1976 n° 3, Mai-Juin, pp. 381-386).

§ V - Quelquss reflexions terminates sur le corps psychique

Rien ne me parait plus absurde que de concevoir la transcendance de l'etre conscient relativement a l'immanence de l'Inconscient selon le schema du dualisme idealiste. Le Conscient n'est pas "en haub, hors du corps, et l'Inconscient n'est pas "en bas", dans le corps. Les rapports du cerveau, de la pensee et de la conscience ne peuvent pas non plus etre schematises en etant rabattus sur deux plans "paralleles".

C'est dans le "Traite des Hallucinations" (1973), puis dans mon dernier ouvrage. "Des idees de Jackson a un modele organo-dynamique en Psychiatrie", que j'ai explicite ma theorie du "corps psychique" considere comme un systeme architectonique d'integration des moyens de l'homme a la fin de son existence. L'organisation du "corps psychique" exclut la separation radicale de l'etre conscient et de l'inconscient et implique, au contraire, l'integration dans et par le Systeme conscient des forces inconscientes.

Je ne puis pas songer ici (cf. la note que j'ai placee plus haut dans le paragraphe ou je note l'importance du phenomene sommeil-rêve) a refaire le travail que j'ai expose ailleurs sur les rapports du "corps psychique" et de l'organisation cerebrale. Qu'il me suffise d'affirmer que pour moi ni l'organisation de la vie psychique dans son ensemble, ni l'Inconscient, ni les configurations dynamiques du devenir conscient, ne peuvent etre concus comme si l'homme etait un "anencephale". Je pense, au contraire, qu'il est de l'essence d'avoir et d'etre un cerveau. Celui-ci n'est certainement pas assimilable, "isomorphe", a une de ces machines qu'il peut justement lui-même construire (comme pour porter le fameux theoreme de Godel a son absolue impasse et le resoudre par sa propre action comme le mouvement se demontre en marchant). La notion de "corps psychique" est pour j moi fonction d'une hypothese sur la nature de l'homme, sur l'organisation même de ses moyens corporels et de ses facultes cerebrales, sur l'ontologie et l'ontogenese du Sujet qui fait de lui-même l'agent de sa propre existence (L'idee que l'organisation du "corps psychique" constitue l'ontogenese et l'ontologie de la person le, ma parait en effet la plus conforme a la "nature humaine". Elle ne peut evidemment que heurter les partisans- heritiers de l'empirisme et du sensationnisme - d'une conception epigeietique ou sociogenetique de l'homme envisage non pas seulement comme être relation; el, mais comme forme par le milieu exterieur et rotamment socio-culturel (le fameux poiypier d'images de Taine). Je pense qu'on ne saurait confondre la structure meme du "milieu" (de l'organisation interne) de l'etre avec l'influence qu'il recoit du "milieu exterieur"; car ces influences (stimuli), il ne les recoit ques'il peut (ou veut) у repondre. C'est dire que toute plasticite, tout conditionnement de l'individu, depend lui-même et d'abord de son organisation inconditionnee, puis de la transformation qu'elle opere elle-même en construisant sa propre personne. L'organisation du "corps psychique" est cette auto-construction, cette integration qui incorpore le milieu exterieur dans sa propre organisation non pas pour en dependre, mais pour assurer son autonomie, la propriete même de son oaction). L'etre conscient a un sens qui est l'ordre'de la creation, de l'intelligibilite et de la realite du modele de son monde. Il est anime par l'activite propre a sa constitution et sa negentropie. L'Inconscient represente constamment l'entropie d'une force centripete qui attire le Sujet a se prendre pour seul objet de son desir, ou en tout cas de reproduction plutot que de production.

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