135. Сюрреализм и его бессознательное. Г. Делюи (135. Le surrealisme et son inconscient. Henri Deluy135. Le surrealisme et son inconscient. Henri Deluy)

Journal "l'Humanite", France

 "...C'est qu'a une verite nouvelle, on
 ne peut se contenter de faire sa place,
 car c'est de prendre notre place en elle
 qu'il s'agit. Elle exige qu'on se derange.
 On ne saurait у parvenir a s'y habituer 
 seulement. On s'habitue au reel. La verite,
 on la refoule".

Jacques Lacan

Le surrealisme n'a pas d'inconscient. Il n'y a pas plus d'inconscient surrealiste que d'inconscient malgache, impressionniste, berbere ou provengal, blanc, noir ou esquimo. C'est de l'inconscient tel que le surrealisme, pris comme mouvement d'ensemble et notamment dans la reflexion d'Andre Breton et l'exercice poetique de Benjamin Peret, de l'inconscient tel que le surrealisme l'a apprehende, compris, vecu et utilise qu'il sera question ici.

Mais aussi de l'inconscient tel qu'il se manifestait, reconnu et pointe sous d'autres noms, dans les oeuvres artistiques anterieures, de l'inconscient tel qu'il n'a jamais cesse d'apparaitre et dont la conception qu'on s'en faisait, en art et en litterature, n'a pas pu ne pas marquer l'interpretation surrealiste. Car, bien entendu, le surrealisme n'a pas introduit l'inconscient dans la litterature, la poesie et les arts: il l'a expose. Contemporain d'un premier developpement d'une recherche nouvelle, qui donnait un nom nouveau a la chose et une tournure scientifique possible a son approche, le surrealisme a tente de saisir au plus fin ce qui pouvait, de la psychanalyse, etre applique a ses objectifs. Nous verrons qu'il уa la, des l'abord, un pas defectueux. Le surrealisme restera loin de compte.

Est-ce-a dire que la psychanalyse n'aura ete qu'un appoint, qu'elle a fait faux bond, qu'elle n'a pas tenu ses promesses; ou bien que le surrealisme decidemment n'a rien compris a la psychanalyse ou qu'il pouvait tres bien s'en passer?

Mon propos sera d'essayer de demontrer que le surrealisme a compris l'essentiel de ce qu'il pouvait comprendre de la decouverte freudienne. Ce qu'il n'a pu comprendre n'est pas le fait d'une indigence, le surrealisme n'a pas ete a court ou demuni ou a la diete: la psychnalyse pouvait detruire l'ideologie du bel edifice et l'edifice lui-même dans ses batteries. La contradiction a ete eliminee, au profit de 1'ideologie fondatrice du surrealisme lui-même. Ce qui a ete compris comme ce qui a ete rejete, ou pas entendu du tout, marque la hauteur et les limites theoriques du surrealisme.

Lorsque le surrealisme constitue sa methode et prend ses mesures, dans les annees qui suivent la fin de la premiere guerre mondiale, la psychanalyse n'est pas encore un objet de grande consommation, elle n'est plus une inconnue. La theorie de l'inconscient vient d'entrer dans ce qui sera pour les uns un arsenal, pour les autres un depot. En France, la psychanalyse tarde a s'implanter. Le monde medical resiste farouchement. L'existence, dans notre pays, de recherches psychiatriques et neurophysiologiques avancees renforce l'opposition et ses moyens. Lorsqu'Andre Breton et quelques-uns de ses amis decouvrent la psychanalyse, elle demeure en effet, pour la France, a decouvrir. Et ils sont parmi les premiers a saluer la decouverte fondamentale de S. Freud, bien avant d'avoir pu en lire les textes fondamentaux. A. Breton a eu, sur une base fort legere quant a la connaissance des travaux de Freud, l'intuition d'une rencontre decisive.

C'est entre 1916 et 1918, alors qu'il travaille dans un service medical militaire, qu'Andre Breton prend connaissance d'un certain nombre de methodes propres a traiter quelques "maladies". II у decouvre les vertus de la parole "libre", du recit de reve, etc... II a fait des etudes de medecine et de psychiatrie... Il a ete, precise-t-il, l'eleve de Babinski ":soit du pire detracteur des theses de Charcot et de l'ecole dite de Nancy", mais, ajoute-t-il ":je garde alors pour ma part un interet tres vif, quoique defiant, pour une partie de la litterature psychologique axee ou articulee sur cet enseignement; je pense en particulier au bel ouvrage de Myers "La personnalite humaine", aux passionnantes communications de Theodore Flournoy a propos du medium Helene Smith: "Des Indes a la pianete Mars", et... voire a certains chapitre du "Traite de metaphysique" de Charles Richet. Tout cela trouve a se concilier, a se conjuguer avec mes autres facons de voir a la faveur de l'admiration enthousiaste que je porte a Freud et dont je ne me departirai pas par la suite... ("Entretiens", p. 76, NRF). On sait aussi qu'il fut sensible a l'oeuvre de Alfred Maury ("Le sommeil et les reves", 1861), a celle de Pierre Janet ("L'automatisme psychologique", 1889) et qu'il ne dedaigna pas de porter son attention a des travaux fort eloignes du freudisme tels que ceux des maitres de l'esoterisme et de l'alchimie.

Alors, le surrealisme, un peu d'inconscient, mal compris, et beaucoup de "table tournante"?

A lire les resultats de cette chasse a 1'ideologie qui fut et demeure l'une des activites de base d'une certaine avant-garde moderniste a la recherche d'une bauge ou nasiller, a lire les etudes des universitaires qui prolongent l'effet, a lire les travaux sur les sources, les citations, les influences, auxquels se sont livres quelques esprits non-suspects, a priori, d'un parti-pris desarmant, a lire enfin, dans cette perspective, les textes des surrealistes eux-mêmes, aucun doute ne subsiste: Interpretation, par les surrealistes, de la decouverte freudienne demeure parcellisee, maigrichonne, triviale, encombree de mangeailles prises aux rateliers les plus divers. Rien ne semble fonctionner a partir de la cassure freudienne. On prend des bouts, lourds pourtant d'une radieale mise en cause des constructions de toute psychologie, de toute metaphysique, et on les ajoute, avant ou apres, aux bagatelles, a l'esbrouffe d'un decrochez-moi-ca libertaire d'esprit missionnaire au service d'une revolution culturelle interiorisee qui rejoint les coulees les plus douces de "l'homme nouveau" dans le changement des comportements et des consciences. On les retrempe meme aux sauces graillonneuses des mysticismes les plus decouverts. Sans oublier de prendre appui, a l'occasion, sur le jus d'un rationnalisme bien exprime.

Tout ceci n'est pas faux: c'est insuffisant, le petit pied. Les rapports de la psychanalyse et du surrealisme ont ete obscurcis de tous cotes par les ombres portees de mille applications. De la psychanalyse par la poesie, la litterature, les arts, la politique, l'economie, etc... Et vice versa. A ce petit jeu, les degats sont considerables: Reich, Jung, Bachelard, pour citer des noms connus, ont laisse des plumes dont quelques autres se sont pares.

Pourtant, а у voir de plus pres, les acquis sont formidables. Il suffit pour cela de remettre a sa place de fantasme constitutif des exercices de la litterature et des arts l'ideologie manifeste du surrealisme et de lire la psychanalyse dans son histoire. Par le surrealisme une certaine poesie, une certaine litterature, un certain art, pour nous limiter aux domaines que le surrealisme a le plus marques, se retrouvent, dans la psychanalyse, comme chez eux. La psychanalyse, de son cote, se retrouve en ces domaines, sur son terrain le plus propice a montrer ce qui se donne a voir depuis toujours: le jeu de l'inconscient dans et par le langage.

Lorsqu'Andre Breton et ses amis, notamment Theodore Frankael, abordent la psychanalyse, ils peuvent avoir l`impression de retrouver, d'une certaine fagon, leur propre peau, d'etre sur un terrain deja conquis, et depuis longtemps. Le reve et ses recits, la manifestation d'une force incontrolable par la raison, l'intervention du desir, tout cela et bien d'autres choses, sont connus, sinon reperer et nommer, par une des fortes traditions de la litterature, en particulier dans la tradition liee au romantisme allemand dont on sait quelle place il occupe dans le pantheon surrealiste. Le surrealisme poursuit et rompt a la fois cette tradition. C'est la rupture qui nous interesse ici au premier chef car elle est parallele a la rupture freudienne. Jusqu'au surrealisme, l'appel a ce que nous nommons aujourd'hui l'inconscient, le desir, est un appel aux forces obscures, a l'autre face du monde, a l'inconnu, au trouble, a l'inconnaissable, au perilleux, a l'irreel, contre le reel, contre la raison, contre l'histoire. Avec le surrealisme, Taction est la soeur du reve, Le desir et l'inconscient ne sont pas moins dans le reel que la volonte historique et la prise de conscience. Les grands reves utopiques de l'humanite participent du meme mouvement et vont dans le même sens que les dures batailles quotidiennes de la lutte des classes. C'est dans la fusion au service d'une meme cause, celle d'une infinie liberte, du conscient et de l'inconscient que le surrealisme va s'attacher avec la penetration et le volontarisme forcenes qu'on lui connait. Le deplacement est fondamental. Le surrealisme va fondre en un meme appareil de combat, globalisant, les pou voirs liberateurs en acte dans la societe et ceux d'un psychisme debarasse de ses entraves. Il est fondamental maigre les blocages et le contresens initial.

Double contresens, au moins, :les surrealistes ont cru a la possibilite d'une coexistence, d'un compromis entre la psychanalyse et les approches psychologiques ou parapsychologiques deja repertoriees. Ils n'ont pas saisi la revolution freudienne dans ses implications de rupture. Ils ont fait de la decouverte freudienne une metaphysique de la liberte, qui les conduit dans la mouvance des plus anciennes chaines et des fausses cles. Pour Andre Breton, les "associations libres" sont liberees et liberent. L'ecriture automatique et le recit de reve, pour prendre deux exemples, sont plus "authentiques", plus proches du "vrai" fonctionnement de la pensee que l'expression consciente, que l'ecriture concertee. L'ecriture automatique est une "photographie de la pensee", liberee de tout controle, de toute influence, de toute ideologie. Le surrealisme a pu croire en un "automatisme psychique pur". Il a pu croire qu'il etait possible de mettre "l'inconscient a nu" sans jamais clairement pointer cet aspect capital de la decouverte freudienne: l'inconscient est partout, dans un editorial politique tout autant que dans un recit de reve, meme s'il s'y repere moins facilement, et il nуa pas d'inconscient a nu".

Le surrealisme a fait sa place a la psychanalyse dans sa construction theorique mais nous restons dans le domaine de l'application. Ce premier pas defectueux va marquer toute la demarche et bloquer son developpement. En ce sens, il reste tributaire de la litterature, des arts, de leur histoire et d'une politique de la litterature et des arts qui elabore une politique dans la politique, dans la philosophie, au lieu d'elaborer une politique de sa pratique et de sa fonction. L'inconscient demeure un "etat d'esprit", une sorte d'"etat de nature" de l'homme et le langage est encore pour une bonne part un instrument qui va querir l'inconscient et, si possible, ne plus le "lacher". Il s'agit de retrouver le "secret d'un langage" perdu par la faute d'une societe alienante.

Pourtant, et c'est ici qu'il convient d'insister, la rencontre du'surrealisme et de la psychanalyse n'est pas de hasard, elle ne sera pas sans consequences decisives. Il faut tout d'abord souligner l'insistance avec laquelle Andre Breton revient sur son admiration pour Freud. Ce salut au fondateur de la psychanalyse s'accompagne certes de divers rejets de la psychanalyse comme "philosphie metaphysique"; il ne revient jamais sur l'importance de la rencontre. Mieux, il ne sombre jamais dans ce jungisme qui fait et continue a faire des ravages parmi les litterateurs et les hommes de l'art ou de la critique (le jungisme est le symptome majeur de 1'incomprehension de la psychanalyse dans ces domaines). Il a compris le privilege du reve dans la recherche psychanalytique, il a pressenti les liens entre les precedes du reve et les precedes de l'ecriture. Il a saisi ou pressenti, pas toujours clairemertt mais assez pour que la pratique ici vienne demontrer qu'elle peut deborder la comprehension, les liens du reve avec l'inconscient, de l'inconscient avec le desir, et du desir avec l'ecriture. Il a eu l'intuition fondamentale de "l'inconscient effet du langage".

"Il est aujourd'hui", ecrit-il en 1953, "de notoriete courante que le surrealisme, en tant que mouvement organise, a pris naissance dans une operation de grande envergure portant sur le langage" ("Du surrealisme en ses oeuvres vives").

Ce que le surrealisme a pu comprendre fait surface dans toute litterature, depuis qu'elle existe, mais c'est de sa propre reflexion et de sa propre pratique, qu'il en a tire les lemons: l'inconscient et le langage ont partie liee. Il est le premier et longtemps le seul en tant que mouvement non-psychanalytique a reconnaitre ce fait qui bouleverse notre approche du langage (et par la de la litterature). Cette decouverte etait a meme de tuer l'ideologie surrealiste, sa conception de la liberte, sa conception du langage. Il ne pouvait en etre question car de ce corps promis a la mort, le surrealisme vivait. D'ou cette "farouche" montee de denegations, cette mise en place d'escarpes et de contre-escarpes, pour colmater au mieux le danger. Et cette perte, en cours de route d'une consequence de la logique mise en lumiere. Jacques Lacan l'a bien vu qui ecrit: "Disons que la poesie moderne et l'ecole surrealiste nous ont fait faire ici un grand pas, en demontrant que toute conjonction de deux signifiants serait equivalente pour constituer une metaphore, si la condition du plus grand disparate des images signifiees n'etait exigee pour a production de l'etincelle pcetique, autrement dit pour que la creation metaphorique ait lieu. Certes cette position radicale se fonde sur une experience dite de l'ecriture automatique, qui n'aurait pas ete tentee sans l'assurance que ses pionniers prenaient de la decouverte freudienne. Mais elle reste marquee de confusion parce que la doctrine en est fausse. L'etincelle creatrice de la metaphore ne jaillit pas de la mise en presence de deux images, c'est a dire de deux signifiants egalement actualises. Elle jaillit entre deux signifiants dont l'un s'est substitue a l'autre en prenant sa place dans la chaine signifiante, le signifiant occulte restant present de sa connexion (metonymique) au reste de la chaine". ("Ecrits", p. 506/507). La conception naturaliste et humaniste a la fois que le surrealisme a de la liberte, pierre de touche de son ideologie manquee de Kant et de Hegel, comme il ne l'a d'ailleurs jamais cache et c'est une pauvre chose que la decouverte qu'on a cru bon d'en faire il у a peu, cette conception d'un sujet de l'histoire et du psychisme, maitre des lois et soumis par coercition aux lois des autres, a des pouvoirs qu'on lui impose, le porte a cette "doctrine" qui a la vie aussi dure que la litterature et les arts eux-mêmes: la liberte du langage, la gratuite signifiante de ses jeux.

Si tout, et surtout la decouverte freudienne, porte a penser que le signifiant, ce peut etre n'importe quoi,nous savons qu'il ne fonctionne pas n'importecomment dans la chaine. Le surrealisme a pu croire que les "liaisons propres au signifiant" (Lacan) en finissaient avec toute logique, c'est ce que dit l'ideologie du surrealisme, mais c'est, au vrai, la logique profonde de la chaine signifiante, dans ses apparents egarements, qui fonde une logique, un systeme de l'ecriture surrealiste, peu ou pas du tout pense par le surrealisme, et qui a totalement echappe aux innombrables suivistes. Ces derniers ont fcurni et fcurnissent encore, des textes faits a l'emporte-piece, oubliant que la logique intrinseque du surrealisme en son ecriture peut porter la queue sur la langue et la tete ailleurs, elle n'est pas sans queue ni tete.

La grande chaleur toujours actuelle du surrealisme, ce en quoi il s'iinpose plus que tout autre mouvement de l'avant-garde de ces annees-la, se manifeste en cette volee de bois vert qui s'abat sur l'ecriture d'aujourd'hui: ce qui fait sens circule dans la chaîne des signifiants, le sens qui commande est la, dans sa loi, il n'y a pas de dehors.

Cet eclairage sur l'inconscient a l'oeuvre par et dans le langage, demeure sans aucun doute le point fort d'un exercice du langage qui s'est impose, consciemrnent ou pas, de par le monde. L'ideologie "liberatrice" du surrealisme a pu freiner, cependant, dans un pays comme la France, l'indispensable travail de reflexion et de pratique sur les caracteres specifiques de telles ou telles formes artistiques. Par exemple, le surrealisme n'a vu dans cet ensemble qui a norn "versification" qu'un faisceau de regies formelles, arbitrages, imposees par une tradition reactionnaire, sans saisir ce qui, dans le pohne releve d'un jeu interne des signifiants qui redouble la chaine, fondateur dans sa singularite, de certains exercices de la poesie: le vers, le rythme, la scansion, la rime, etc... tout un appareil par quoi l'emberlificoter tient sa place dans la chaîne. La "liberte" surrealiste en l'occurence se trompe d'ennemi et repere naïvement dans toute contrainte une entrave.

La reconnaissance, par le surrealisme, de la decouverte freudienne et ce qu'elle a permis a modifie au fond le rapport des ecrivains et des artistes a l'inconscient et au langage. Le savoir, en ce cas, meme approximatif, meme deroute, même inutile, a affecte le fonctionnement de l'ecriture et des arts. Il ne l'a pas modifie, il a permis la constitution d'ideologies esthetiques aux multiples rameaux. Reconnu, traque, investi, l'inconscient peut etre dit englouti dans l'ecriture et meme jusqu'a produire cette petite fleur bleue: l'innocence du texte et sa liberte (Dame! puisque l'inconscient у est et qu'on le laisse "travailler"!). L'ecrivain peut se croire de toutes les facons maitre du ieu: quoi qu'il en soit, il tire profit. Ces ideologies nouvelles et qui vont jusqu'a penser des textes ou des oeuvres d'art qui nous fourniraient plus d'inconscient en mimant les techniques psychanalytiques ne sont pas sans effet: l'ecriture n'est plus, nous dit-on, tripatouillee par l'inconscient, elle va le chercher, s'en saisir, ne plus le lacher, la ou elle le sait actif: jeux de mots, proverbes demanteles, locutions derangees, bouts de reve de loges, collages...

Dans le surrealisme, la fabrication ideologique a joue un role extremement positif. Michel Foucault souligne, peu apres la mort d'Andre Breton que ce dernier a ete, pour la France, l'un des premiers "ecrivains du savoir", l'un des premiers a integrer a son travail, volontairement (mais sans doute n'etaitil plus possible de faire autrement) certaines donnees scientifiques. Au prix d'une mise a jour ideologique: l'ideologie surrealiste est l'un des avatars, pas le dernier, des rapports de la litterature, des arts, et de la science. Rapport de prise en compte mais aussi de meconnaissance. L'ideologie surrealiste integre d'un meme mouvement certains travaux scientifiques et eleve un formidable barrage contre eux.

La fertilite de l'effort surrealiste, avec son ideologie et ce qui, dans la pratique n'a pas manque de la deborder, se verifie aux oeuvres produites,a son exceptionnel impact, a la richesse des apergus nouveaux et aux detournements possibles. Les ideologies recentes du formalisme mecaniste, du realisme debonnaire de la "tripe" ou du theoricisme "desirant" ne manifestent en rien une meilleure approche de la decouverte freudienne. C'est qu'il ne s'agit pas de lui faire une petite place mais de "prendre notre place en elle" et ce n'est pas une mince affaire...

Resume

Marquee dans les faits, la rencontre du surrealisme avec la psychanalyse est tres controversee. Cette derniere n'aurait ete, pour les uns, qu'un apport parmi d'autres dans l'elaboration de la doctrine surrealiste; pour d'autres, le surrealisme aurait totalement rate son rendez-vous avec le freudisme, accumulant les fausses interpretations. Pour certains enfin, le surrealisme a saisi quelques elements de la decouverte freudienne. Nous tentons de demontrer que, par dela une accumulation reelle de bourdes theoriques, le surrealisme a saisi l'essentiel de la decouverte freudienne: "l'inconscient effet de langage". Par la, il a bouleverse notre rapport a l'ecriture et permis les resultats pratiques que l'on connait. Mais, dans un meme mouvement, le surrealisme a construit une ideologie de resistance a ce qui, du travail psychanalytique, pouvait presenter un danger pour la consistance de ses elaborations theoriques. L'ideologie surrealiste a permis a la fois l'ingurgitation par la litterature et les arts d'un des aspects fondamentaux de la decouverte freudienne et la defense des ideaux traditionnels de maitrise sur le monde et le langage qui constituent le point fort des ideologies esthetiques.