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136. К проблеме искусства бессознательного Э. Рудинеско (136. Pour un art de l'inconscient. Elisabeth Roudinesco)

L'Ecole freudienre de Paris, France

1. L'inconscient "est" freudien...

Freud s'est toujours interesse au probleme de la creation. L'ideedu Beau,, pourtant le laissait indifferent; egalement 1'histoire des formes. Seuls, le contenu d'une oeuvre ou la vie, mouvementee ou non, de l'artiste semblaient retenir son attention. Il se referait aux rapports de l'art et de la vie sociale atitre documentaire seulement, pour "illustrer" ses analyses. Ses gouts le portaient vers le passe: il n'aima guere la peinture expressionniste ou les poemes surrealistes. S'il goutait Goethe, Shakespeare, Vinci, il preferait encore fouiller la prehistoire de la culture humaine. On sait quel interet il porta a l'archeologie, a la philologie.

La fouille, l'inscription gravee dans la pierre, la statue, substitut et presence a la fois d'un modele ancien sont des themes favoris. Ils donnent une image de l'atemporalite de l'inconscient, de ses formations, de son architecture. Derriere Michel-Ange, Freud retrouve Moïse, le prophete qui laisse glisser les tables de la Loi, celui qui deviendra le pere assassine de l'histoire juive. Derriere Hamlet, Oedipe; dans les machines de Leonard, le plus vieux rêve de l'homme: voler comme le vautour; dans sa peinture peut-être, la trame legere d'un reve d'enfance. Le texte, le dessein, la statue, informent Freud au meme titre que le symptôme, le lapsus ou le mot d'esprit: l'inceste et le parricide, quand il les lit, le renseignent sur la loi de castration.

Tres tot, un lien fut noue par Freud entre le processus du reve et l'activite de l'inconscient. Les formations de l'inconscient semblaient tres proches de l'acte de creation. N'y avait-il pas une complicite archai'que entre le poete et l'analyste, entre l'inconscient et le роете, entre l'artiste et le nevrose? "Les rêves imagines par les poetes, nous dit Freud, se comportent souvent a l'egard de l'analyse comme des reves authentiques: exemple: le roman "La Gradiva ". Et: "Les pulsions dont nous avons reconnu le role dans la formation des symptomes nevrotiques ouvrent l'acces aux sources de la creation artistique; la question est alors de savoir comment l'artiste reagit a ces pulsions et quels revetements il donne a ses reactions" (S. Freud, Ma vie et la psychanalyse (Idees Gallimard)).

Ces "reves imagines", ce sont ceux que le createur attribue a ses "personnages" ou ceux qu'il enonce dans un monologue a la premiere personne. Ces "reves imagines" ce sont aussi des mots, un langage, dont il faut dechiffrer le sens pour un "je" qui s'y trouve denomme. Ce sont des "reves eveilles"; ils.ont la forme du reve et l'allure logique du fantasme. Pourtant le createur ne se definit pas par la nevrose, ni l`oeuvre par le reve,; celle-ci possede sa specificite de reve raconte, ni revetu d'un "desir en plus". Si la psychanalyse d'un auteur ne dit pas grand chose de son oeuvre, celle-ci en dit long de l'inconscient et de ses lois. Comme le mot d'esprit, elle est artifice. Analogue au symptôme, elle ne lui est pas semblable.

Freud presente son livre sur le mot d'esprit comme "le premier essai d'application de la methode analytique a des questions d'esthetique" (S. Freud, Le mot d'esprit dans ses rapports avec l'inconscient (Idees Gallimard)). Or, au lieu de cette contribution desiree par Freud, c'est une image deformee de la psychanalyse que les differentes branches du savoir concernees par "l'application" integrerent a leur discours; une "adaptation" de ses concepts permit de voiler l'ampleur de la question posee: la mise en cause de ce savoir luimême.

L'intervention psychanalytique dans les domaines de l'art et de la litterature produisit les effets inverses de ceux attendus par Freud. L'inconscient fut modele au gre d'une forme philosophique de la conscience et la "psychologie des auteurs et des oeuvres", envahit le domaine specifique du fantasme, pour constituer un vaste champ d'intervention concu en termes "d'application". Ce mot malencontreux, prononce par Freud, sonna le declin de l'analvse du mot d'esprit en matiere de creation au profit d'une renovation de la psychologie de l'art, qui trouva dans la methode analytique des aliments pour confirmer ses certitudes. De même que la cure profitait, d'Europe en Amerique, aux assises du savoir psychiatrique et de la medecine psychosomatique, de meme la "theorie", diiment "appliquee et debarassee de sa pratique servit les interets du discours universitaire. L'esthetique psychanalytique avec ses mythes, ses instincts, ses demons, ses puissances tenebreuses, ses variantes culturelles, sociales et psychologiques fut a l'honneur...

Le "et" de coordination venant sceller l'impossible d'une rencontre, on vit fleurir sous la plume d'eminants universitaires de multiples ouvrages prenant pour themes: la psychanalyse et quelque chose, ou: l'inconscient et quelque chose (litterature, cinematographie, theatre, peinture etc... ou politique, cuisine, anthropologie, langage, etc..). Pourtant, le e t comme l'a pplication maintiennent l'intervention, analytique dans le champ du psychologique par ou se realise sans cesse l`unite imaginaire d'un auteur pris pourlieuetorigine d'une oeuvre. Le demiurge est entoure de ses objets et de ses creatures: tantot lieu d'une presence marque de la belle ame de l'intention (d'auteur), tantot trace d'une absence, scripteur pole inverse d'une marque semiologique, qui dans le modernisme litteraire est la variante masquee du genie litteraire.

Il va sans dire que l'inconscient a l'oeuvre dans ces diverses entreprises marquees tantot par la domination de l'ego-psychologie, tantôt par celle de la philosophie de la conscience n'a que peu de rappport avec celui dont Freud fit la decouverte.

L'inconscient freudien se distingueradicalement de celui reconnu et admis de longue date par la psychologie et la philosophie. Mieux, il en subverts la definition traditionnelle en opposant a la notion vague de subconscient ou de supraconseienee (que recouvre traditionnellement le terrne d'inconscient) un concept nouveau: Das Unbewusst, litteralement le "non-connu"." L'Unbewusst n'est pas unobjet inconnaissable pour la science, il est le "nonconnu" pour un sujet qui croit a la maitrise de sa parole et de ses actes. L'inconscient est objet de connaissance; il a, commme le reel, ses lois, ses formations. On le decouvre, il se devoile, dans la parole (mots d'esprit, lapsus) et dans ses actes (actes manques) (Voir S. Freud, psychopathologie de la quotidienne (Payot)). Il est lieu d'un savoir et coexiste a un sujet qui sait sans le savoir que "ca" parle quand "il" parle; il forme le quotidien de tous et de chacun, sorte d'etrange presence d'un "inconnu parleur", sorte de lieu ou "d'autre scene" qui determine pour un sujet son etre, sans qu'il le sache, sans pourtant qu'il l'ignore. L'inconscient freudien, n'est ni une conscience renversee ni un vague reservoir, fut-il "structuraliste", de forces obscures, divines ou biologiques deversant ses magies sur le moi effraye de l'homme en proie a ses instincts. Il est le lieu constitutif du refoulement, par qui le sujet humain se trouve depossede de son illusoire maitrise du monde. Le terme freudien de "clivage du moi" exprime cette realite psychique de l'etre: le sujet n'est pas separable en deux morceaux comme les moities d'une poire, d'un cote la conscience, la raison et de l'autre l'inconscient, l'irrationnel etc, il est 1'expression meme d'une divison d'une Spaltung, il est comme "barre" par l'existence de l'inconscient et non "dedouble" sur un modele phenomenologique. Le sujet clive n'est pas un homme double pourvu d'une forme apparente et d'un contenu cache, d'une passion profonde et d'une volonte active, d'une fureur et d'une raison etc.. il est l'image d'un "deplacement", jamais ou il croit Voir S. Freud, psychopathologie de la quotidienne (Payot)tre, jamais, ou on le nomme, et pourtant toujours la, comme sujet aux fantasmes. Ainsi le sujet de l'inconscient se differencie du moi imaginaire qui perpetue 1'ideal d'une maitrise et d'une conscience pleine et presente.

Freud se compare volontiers a Copernic et a Darwin, car dans l'histoire des sciences tous deux ont procede a un decentrement du sujet en imposant a l'homme une humiliation narcissique: celle de n'être pas Dieu, même quand il continue, dans ses croyances, a lui être conforme. Si l'homme descend du singe et que la terre n'est point au centre de l'univers, le moi, avec la decouverte freudienne n'est plus le maitre en sa demeure. Sans le savoir, Freud met en cause les constructions de la philosophie idealiste, qui, de Descartes a Hegel, constituent la raison et la pensee en guides de l'historicite humaine.

Pour faire oeuvre de science, Freud donne raison au reve et au fantasme, a l'art, aux mythes, contre la rationalite philosophique et dote ainsi l'imaginaire d'un statut precis, distinct du speculaire, du reflet et du double. C'est pourquoi on le traita longtemps de charlatan et que ses travaux furent juges irrationnels et anti-scientifiques. Il n'en est plus ainsi maintennt. Ce serait plutot le contraire: sa decouverte est annexee aux domaines existants du savoir, au nom de La Science et pour son profit et plus precisement pour le profit des sciences de l'homme. C'est pourquoi etre freudien aujourd'hui, c'est defendre la theorie et la pratique de la psychanalyse contre son annexion par le discours de science. Car la nouvelle image donnee a l'analyste "assimile", par le discours universitaire, est au meme titre que celle du charlatan, le symptome d'un rejet de l'essentiel de la decouverte freudienne. Simplement l'image d'une psychanalyse nouvelle formule, bien adaptee pour le decor d'une societe reglee par les modeles de la psychologie est plus subtile et risque fort de contribuer plus vite, comme c'est deja le cas en maints pays, a la liquidation de la pratique freudienne.

L'inconscient freudien n'est pas de nature psychologique; il n'a pas pour modele le comportement humain (individuel ou collectif). C'est pourquoi Freud eut recours a la metapsyehologie pour donner la description theorique de sa decouverte et la distinguer des autres domaines du savoir prenant appui sur une habituelle notion d'inconscient. Au sens strict, il n'y a dans l'histoire des sciences qu'unetheorie de l'inconscient: elle est freudienne. Les autres "theories", anterieures ou posterieures, psychologiques, sociologiques, biologiques, psychophysiologiques, neurologiques, et meme "linguistiques" (l'inconscient est langage, mais il ne repond pas aux modeles linguistiques du locuteuret de la communication) s'appuient, quoiqu'elles en disent sur une idee de l'inconscient conforme aux ideaux de la conscience. L'inconscient est freudien ou n'est pas si l'on entend par la la mise en cause du postulat philosophique du primat de la conscience (de la pensee) sur l'être. En refusant de definir le champ du psychisrne par la conscience Freud mettait la conscience a sa place (dans le systeme preconscient-conscient) et designait le lieu d'un inconscient irreductible a l'inconscient de la psychologie qui reste, quoiqu'il en soit de ses evolutions et de ses modernisations, un double de la conscience, son "double-fond" ou son "agent double", charge de maintenir entiere la forme d'un sujet dans ses manieres et ses comportements.

Le projet freudien se presente done comme une traduction de la metaphysique en metapsyehologie et non l'inverse. Il est une traduction materialiste de la mythologie, de l'art et de la religion, qu'il distingue dans leur autonomie, et leurs particularites. S'il est traduction, il n'y a point entre les termes traduits, de symetrie, d'accord parfait ou de balancements. Il n'y pas deux camps, ou savammant, des themes s'opposent comme lesrubriques d'une dissertation. C'est d'un effet de metaphore que l'inconscient est a saisir. Il est en decalage sans etre ecart, il est poeme (La formule est de J. Lacan). L'art et l'inconscient, l'inconscient et la religion, la cuisine et l'etat, les sirenes et les hommes, la belle affaire! Lorsque Freud parle d'art il n'a point d'expose prepare, ou de titre accorde a un theme. Pari ant de l'art et de la litterature, il parle l'inconscient en le laissant parler: il inaugure semblable au poete et a d'autres un art de l'inconscient.

2. Un art da l'inconscient

Cette petite digression n'est pas inutile sans doute; car l'essentiel de "l'application" de l'inconscient a l'art ou de la psychanalyse aux oeuvres, comme on voudra, tourne auteur de la question de l'auteur, dont le discours universitaire se regale, en supposant toujours un auteur au savoir et un maitre a la philosophie. Il est question: - ou bien de son essence de genie fou ou de mage inspire, de sa presence, non comme fantasme, mais comme objet d'une demarche aux couleurs de la science. - ou bien de son absence, de sa rature, de sa disparition sous couvert d'une instance de la trace, qui en excluant aussi la dimension du fantasme, reduit le texte sans son auteur a une technicite verbale. Depuis Freud et Marie Bonaparte en passant par la psychobiographie et la psychocritique jusqu'a la semiologie, on posa tantot a un "auteur" la question de l'origine du texte, tantot a un texte la question de l'origine d'un auteur, en oubliant que cet "auteur" est un fantasme constitutif de la litterature (et de l'art). Apres un rapide coup d'oeil sur cet art freudien de l'inconscient et sur ces effets en retour je reviendrai a la litterature, a la poesie (Raymond Roussel, B. Peret) et a la dramaturgie (cinema et theatre, Hitchcock, Brecht, Vertov, puisque le fantasme d'auteur conduit aux lieux des identifications et la scene du drame a l'autre scene (Je choisis des domaines que je connais particulierement bien. L'inconscient entretient avec la litterature et la dramaturgie des rapports particuliers. Je laisse a d'autres le soin de s'occuper d'autres domaines de l'art).

Le travail freudien consiste en une mise en place de l'activite creatrice a l'aide des concepts fournis par la metapsyehologie.

Freud ne s'interesse pas "directement" a des questions de langue, de langage ou de forme; son exigence premiere est de remettre sur ses pieds la critique biographique; il lutte contre une ideologie: il s'agit de montrer que l'oeuvre n'est pas ce qu'on croit parce que "son auteur" n'est pas celui qu'on raconte. Freud s'insurge contre les biographes identifies a un artiste imaginaire, dont ils falsifient la vie. Quant au createur, ils'est, comme le nevrose, "retire d'une realite insatisfaisante dans le monde de l'imagination, mais aja difference du nevrose, il sait comment retrouver le terrain solide de la realite, Ses oeuvres, comme les reves, sont la satisfaction imaginaire de ses desirs inconscients, mais elle sont calculees pour provoquer la sympathie des autres" (S. Freud, Del ires et reves dans la Gradiva de Jensen (Idees Gallimard)).

Dans Der Dichter und das Phantasieren (Freud, Le poete et ses f antasmes, traduit de maniere tres fantaisiste par Creation litteraire et reve evei11e (Idees Gallimard)), Freud montre que tout mode d'expression, discours, reve, creation, exhibe et masque a la fois le fantasme de son auteur. L'activite creatrice est analogue au processus du reve, de meme que l'artiste est l'analogue du nevrose. L'oeuvre n'est pas le "reflet" de la vie fantasmatique d'un auteur, elle est expression formelle, et tandis que le reve accomplit dans l'imaginaire le desir, celle-ci reste dans l'impossible d'une structure: car le desir est "irrealisable" et l'oeuvre en est le temoignage.

Avec la decouverte freudienne, le nevrose comme le psychotique, le nerveux et le fou, en un mot le "malade" de l'ancien regard clinique, se trouve deloge de sa position d'etranger (a la norme) parce que le sujet lui-même est deloge du lieu central qu'il occupait dans le monde de la pensee consciente. C'est dire que le "createur" n'echappe pas a ce deplacement; il ne saurait appartenir avec son compagnon de deraison a des categories dont les fondements sont mis en cause par le surgissement de l'inconscient et de sa verite. L'artiste, dans la theorie freudienne n'est pas classable suivant les criteres de l'ancienne psychopathologie, selon un ordre de la nevrose ou de la non-nevrose de la folie ou de la normalite, il est, comme sujet, soumis, par la loi d'un clivage, a l'ordre du desir. C'est dans le champ du desir que la creation a quelque chose a voir avec la nevrose et le reve.

Mais alors pourquoi Freud pose-t-il une analogie entre l'artiste et le nevrose, entre la creation et le processus du rêve?

Essentiellement pour proposer une analyse nouvelle de l'art et de la creation; il compare celle-ci au reve eveille et montre le lien existant entre a formation des symptomes et l'elaboration d'une ars poetica. Si le rêve a la structure d'une phrase, si l'hvsterie avec sa theatralite est une oeuvre d'ari deformee, il уa de fortes chances pour que la forme d'un roman ou d'un poeme soit 1'analogue du symptome, un discours qui se nomme par une serie de deplacements, un "art" qui se "fabrique" entre reve et fantasme. Ainsi le poete prête-t-il l'oreille a toutes les virtualites de l'inconscient sans les refouier par une critique consciente.

L'artiste n'entre pas dans la categorie du nevrose, mais l`analyse du mecanisme du desir dans la nevrose met a jour sa loi dans tout discours. Des lors ce n'est pas la nevrose qui parle de la creation mais la creation qui parle du fonctionnement de la nevrose. Freud assigne done a sa theorie de rendre compte d'un objet; il delimite un domaine; son projet est theorique; il ne delimite pas des branches de l'art (peinture, musique, litterature etc..) comme un boucher decouperait un bovin. Il met a jour la relation entre la production d'une oeuvre, la logique du fantasme et la structuture du reve. Il elimine la question du "don" ou du talent qui est au centre des theories psychologiques de l'art et de l'esthetique marquee par le kantisme. La double problematique de la jouissance et de l'objet lui permet de donner une articulation originale de l'activite creatrice sans faire intervenir le critere autonome de la forme, ni celui de la production, sans pour autant les exclure. "Mais nous devons avouer aux profanes, souligne-t-il, qui attendent ici peut-être trop de l'analyse, qu'elle ne projette aucune lumiere sur deux probiemes, ceux sans doute qui les interessent le plus. L'analyse ne peut en effet rien nous dire de l'elucidation du don artistique, et la revelation des moyens dont se sert l'artiste pour travailler; le devoilement de la technique artistique n'est pas non plus de son ressort" (S. Freud, Un souvenir d'enfance de Leonard de Vinci (Idees Gallimard)) La theorie freudienne n'est pas une theorie de l'art mais la theorie de l'inconscient. Comme telle, elle permet d'etablir des liens eutre celui-ci et le processus de la production artistique.

Devoilant dans tout discours l'existence d'un langage du desir, elle n'est point une science de la typologie. La metapsyehologie s'est constituee, a l'ecoute de l'inconscient, en elaborant un ensemble de modeles distincts de l'experience (et irreductibles a toutes formes d'experimentalisme); dans la mesure ou Freud dissocie l'oeuvre d'art du "roman familial", ou il differencie la connaissance scientifique de l'inconscient de son "autre voie" (la connaissance "spontanee"), il construit non une theorie de la connaissance (modele par un sujet plein et present), mais une analyse des processus de la connaissance. La metapsyehologie sera une "traduction" (de la metaphysique), comme le reve est une "metaphore" de l'inconscient.

Pour Freud, "il уa du sens a dechiffrer"; et le sujet qui est l'effet d'une inscription signifiante (l'inconscient), designe des formes par quoi il se pose en? sujet de jouissance. Il est parle par le langage de son desir inconscient. Il occupe une place manquante que viennent combler les modes du moi imaginaire; il produit du "moi", des "personnages ou il se reconnait par le biais des identifications imaginaires. "La signification, ecrit Freud, ne representa pas grand chose pour ces gens (les artistes), ils ne sont interesses que par les formes, les lignes, 1'accord des contours. Ce sont des tenants du Lustprinzip (principe de plaisir)" (S. Freud, Lettre a E. Jones, citee dans Vie et oeuvre de Freud (PUF, III)).

L'activite creatrice est analogue au travail d'elaboration du reve; comme lui elle tend a se substituer au desir, et comme le mot d'esprit elle est jeu de langage, ars poetica, artifice charge d'offrir a autrui un benefice de seduction, une prime de plaisir. L'artiste comme le reveur ou le nevrose prend ses desirs pour des realites, mais il tombe sur ses pieds: l'oeuvre est une provocation reussie. Prenons exemple sur la litterature: le texte parle d'un roman imagine, il fait tout comme... Tout comme l'enfant inventant sur sa famille et sur le sexe des "contes de fees" conformes a ses projets. L'oeuvre d'art fait comme le senario imaginaire mais par ses moyens propres: elle dit la meme chose autrement. Tout roman est roman familial. Il уa toujours un auteur fantasmatique au texte, un fantasme d'auteur par ou le sujet se raconte en se prenant pour maitre du langage et de la langue, de la "matiere". Il se raconte sous forme d'un animal ou d'un poeme, d'un batard d'une machine a mots, d'un savant etc...

3. Les Impasses de l'application

Mais depuis Freud, les recherches ne se poursuivirent pas sur ce terrain. Dans le domaine des lettres, lieu d'election de 1'application de la methode analytique, une veritable litterature se constitua, mi-feuilleton mi-mededne, chargee de prendre en compte les beaux malaises des grands auteurs. Tantot la critique psychanalytique reprit en sa faveur l'ideologie de la critique litteraire du XlXême (l'homme, l'oeuvre, l'auteur) en у ajoutant une certaine "intervention" de l'inconscient, tantot la critique litteraire emprunta a la psychanalyse une methode. On psychanalysa les auteurs pour comprendre les oeuvres: ce fut la psychobiographie; on psychanalysa les oeuvres pour en sortir le mythe personnel de l'auteur: ce fut la psychocritique. Ou bien encore, suivant une "mythique" plus jungienne que freudienne, on tenta de retrouver dans les images poetiques ou les recits litteraires, des archetypes de l'inconscient: (qui n'etaient autres que des fantasmes de commentateurs), ce fut la critique archetypale. A cette derniere se rattachent plusieurs tendances d'une esthetique qui va du projet d'une anthropologic de l'imaginaire chez les heritiers du New Criticism et de l'etude deconstructive du mythe chez Northrop Frye au debat bachelardien sur la "primitivite de l'imaginaire". Toutes ces demarches sont marquees par une conception pre-freudienne d'un imaginaire reduit au speculaire, au reflet, au double et non saisie dans son opacite materiel. Seule la dimension freudienne de l'inconscient permet de situer par le biais du fantasme un statut propre de l'imaginaire, non reductible a 1 illu-sion, a la "conscience trompee", ou a 1'hallucination.

Il faut differencier de ces tendances l'etude analytique proprement dite, dont la principale representante, apres Freud, fut Marie Bonaparte. Elle s'applique a combler les lacunes du recit biographique, en s'attaquant a ses presupposes. La vie inconsciente d'un ecrivain, un souvenir d'enfance refoule, peuvent bien expliquer la repetition dans une oeuvre, d'une meme figure, mais sa vie infantile pas plus que sa vie adulte ne permettent de saisir un specificite de l'oeuvre. D'autant que la psychanalyse ne travaille pas sur le terrain de l'historiographie (même quand elle l'utilise) mais sur celui du discours et du fantasme. Elle n'est pas une enquete mais une fouille qui opere sur un dire et non sur des faits observables ou sur un vecu subjectif. En ce sens les personnages crees par le roman ne sont point les reflets de personnes reelles dans la mesure ou toute transposition est effet rhetorique.

Si la psychobiographie et l'etude analytique se rencontrent sur le terrain de la biographie, ce discours majeur de la critique traditionnelle, elles different done quant a leurs references theoriques; l'une en se detachant du cadre freudien devient une discipline autonome a pretention scientifique et tombe dans le piege de l'esthetique; l'autre en apparence modeste, sans pretention autonomiste, illustre a sa maniere la validite des theses freudiennes (Voir N. Frye, Anatomie de la critique (NRF, Gallimard). Pour la psychocritique: C. Mauron. Des metaphores obsedantes au mythe personnel (Corti). Pour l'etude analytique: M. Bonaparte, Edgar Роеsa vie, son oeuvre).

Sur le terrain de la folie, la psychanalyse livra a la psychiatrie un combat complexe. Ses choix lui permirent de demonter en partie, dans le domaine de l'art comme ailleurs, les ideaux du regard medical.

La theorie freudienne se distigue de deux tendances de l'esthetique traditionnelle: 1) L'esthetique psychologique, qu'elle soit kantienne ou dominee par une ideologie neokantienne (l'esthetique experimentale avec sa science pilote la psychologie experimentale). 2) L'esthetique psychopathologique (dominee par la psychiatrie).

Les categories de la psychologie interessent peu la theorie freudienne. Imagination, jugement, formation du gout, de l'intelligence ou apprentissage, emotion, perception, sont autant d'elements qu'elle neglige, comme purs prejuges de la pensee reflexive. Libre a ceux qui se croient freudiens de vouloir les reinserer dans une doctrine qui, superbement, les ignore; On peut avec de beaux poemes faire de mauvais pastiches. La theorie freudienne rejette la validite de notions telles que la "sensibilite" esthetique au profit d'une reflexion sur le statut de l'objet du desir", ou "l'autenticite" (d'une oeuvre ou d'un artiste) au profit d'une logique ou le mensonge peut dire le vrai, tandis que "l'intention" est subvertie par le lapsus etc...

L'esthetique lui est, maigre les apparences, aussi etrangere que l'application. Freud, comme Marx ou Lenine, et pour cause, n'en eu fait jamais le projet, tant leur importaient le rejet d'un sujet compris comme lieu et origine du monde et de sa connaissance. En ce domaine, l'esthetique est toujours fille de la psychologie et cousine de la philosophie de la conscience. Avec Freud la notion même de pensee reflexive est battue en breche ainsi que l'ancienne esthetique psychopathologique fondee sur un savoir psychiatrique ou le "poete maudit" occupe la place du fou. Vers le milieu du siecle dernier, Moreau de Tours affirmait que le genie etait "une maladie mentale", une "nevrose". La theorie des degeneres superieurs fut en vogue avec Lombroso et Lange Eichman ecrivait: "L'homme de genie n'est pas la realisation anticipe du surhomme de l'avenir, l'image d'un homme futur, mieux developpe et superieur, il est l'annonce d'une decandence et le premier pas d'une decheance" (Voir E. Souriau, Clefs pour l'esthetique (Seghers)). L'influence de la psychopathologie sur la critique litteraire a pris diverses formes selon l'etat de la psychiatrie dans differents pays. En particulier l'assimilation de l'artiste au fou conserve l'ideee dela nor me; même si elle ne revet plus ni l'habit du surhomme ni celui du degenere, elle se perpetue dans la notion de inarginalite voire dans celle avant-gardiste d'homme nouveau, ou le poete tantot gardien des charges de l'etat, tantot verse en delinquance, fait figure de voyant ou d'illumine.

Historiquement l'influence de la psychopathologie sur la critique litteraire est aisee a comprendre (elle inspira aussi les autres domaines de l'art). Avec le developpement des theses de Pinel et le debat, du debut du XIX eme siecle sur "les circonstances attenuantes" entre l'instance judiciaire et l'institution psychiatrique, l'artiste, assimile au fou, autrefois exclu et "libre" de son delire, se trouve apprivoise par un savoir: celui d'une esthetique marquee des ideaux de la psychiatrie. La psychanalyse, detournee de ses buts, prenant plus tard le relais du regard medical, apporta ses "recettes" a la saisie de la folie. C'est dire que la tradition psychobiographique est traversee des memes contradictions que l'histoire du mouvement analytique, avec cette difference qu'elle ne peut pas, comme la psychanalyse, et maigre les bonnes intentions de ses partisans, se demarquer ni de la psychologie ni du projet d'une esthetique.

La demarche de Marie Bonaparte reste marquee de ces contradictions. Tributaire d'une tradition, elle tente de s'en defaire. Dans son etude sur Edgar Рое, elle propose une mise en place du role de l'oeuvre sur son auteur; celui-ci n'ecrit pas parce qu'il est genial, malheureux ou maudit, l'oeuvre n'est pas le "reflet" d'une realite vecue, elle est un lieu ou l'auteur presume trouve le terrain d'une realite, par l'effet du langage. En choisissant par excellence l'exemple du poete maudit, Marie Bonaparte porte la contradiction dans l'assemblee des biographes du genie fou, elle s'adresse aux fabriquants de legendes sur la belle fin des heros repentis, comme aux fanatiques de mythologie noire, a ceux qui embellissent la inort par delirium comme a ceux qui en font l'epopee mysterieuse du genie. Elle se distingue de la psychobiographie en evitant une illusoire "psychanalyse" de l'oeuvre par l'homme. Elle procede par anticipation a un demontage du projet psychocritique en refusant le mythe de l'auteur au profit d'une logique du fantasme; elle rejette la problematique du reflet mais reste tributaire d'une symbolique de l'interpretation oil l'oeuvre est inscription d'une biographie d'auteur (presume) et non un dire sur le desir marque d'un sceau d'identite imaginaire, ou l'auteur presume se donne, quoiqu'il fasse d'autre, pour le pere de ses oeuvres.

Sans doute faut-il pour sortir du dilemme de rapplication'et de la coordination prendre acte de la matiere litteraire et rendre a la psychanalyse ce que Jacques Lacan, en un precepte rendit a Freud, prenant celle-ci comme une methode de dechiffrage des signifiants?

Entendons nous bien: cela ne veut pas dire transformer un inconscient obscur ou instinctuel ou irrationnel en un inconsient structure, tisse designes, code ou raisonnable, bref de transposer du biologique en linguistique, Rompre avec l'a1ternance de la presence et de l'absenсe, reviendrait a situer la question du sujet dans sa structure de manque. Car "l'auteur" n'est ni une presence a l'origine d'une creation, un sujet plein gardien du sens, ni une absence dont le produit (l'oeuvre) donnerait le sens par les vertus d'une elimination. L'auteur n'est ni une presence ni une absence, il est fantasme; il est a saisir dans la dimension d'un imaginaire non reduit au speculaire (au double, au reflet). Son unite, reconnue, par la critique litteraire (ou artistique) - ou rejetee par la moderne semiologie - repose sur l'imperatif d'une histoire naturelle des esprits ou l'origine - même raturee - donne la cle de la creation. Opposer a la question traditionnelle de l'auteur (plein et present) celle de sa rature ou de son absence, c'est maintenir intact l'unite et la fonction d'un centre. Il faut situer la question de l'auteur a partir du decentrement freudien du sujet qui rend impossible son centre en le situant datos une structure ou il manque a sa place, ou il est l'expression non d'une disparition ou d'une "excentration" mais d'une division. Des lors "l'auteur" (presume) vient a la place du manque dans la logique du fantasme.

Le manque n'est point 1'absence: le fantasme d'auteur fait corps avec le texte litteraire; il vient a la place du sujet pour en combler le manque et du meme coup il le situe comme tel. Ce manque "vient a manquer" a ceux qui tiennent le createur pour origine comme a ceux qui le tiennent pour produit: "L'oeuvre de Proust, souligne Jacques Lacan, ne laisse pas a contester que le poete trouve en sa vie le materiel de son message, mais justement l'operation que ce message constitue reduit ses donnees a leur emploi de materiel" (Jacques Lacan, Eсrits (Seuil)).

Un reel de l'ecriture s'apparente a la categorie marxiste de reflet opaque et non speculaire.; le symptome у manifeste des effets de sens. Celle-ci n'est point reflet d'une realite mais lieu d'un sens ou parle le symptome comme ars poetica.

La fiction du roman familial est au principe de la fiction elle-meme. L e fantasme d'auteur se fabrique dans la trame d'une biographie imaginaire. Prenons pour exemple 1'ecrivain francais Raymond Roussel (Auteur notamment de Impressions d'Afrique, Locus Solus, La doublure (JJ Pauvert) Ecrivain de l'entre deux guerres (1877-1833) moderniste, qui par ses jeux de langue et de langage et son talent particulier de conteur influenza beaucoup les surrealistes , puis les ecrivains du nouveau roman. Il preferait le Chatelet et les operettes a la litterature moderne et Pierre Loti au poeme surrealiste. Ce fut un personnage etrange et fascinant, vivant hors de son temps dans un monde cloture par la langue et envahit d'objets fetiches). Apres avoir ecrit plusieurs oeuvres poetiques ou en prose, il expliqua dans Comment j'ai ecrit certains de mes livresle procede qu'il utilisait. Mais celui-ci, litteralement, ne saurait ni donner la cle de ses oeuvres, ni servir de recette pour de nouveaux ecrits. Le Comment... est une sorte de "testament" litteraire destine a fournir pour la posterite une sorte de portrait imaginaire d'un auteur. Ainsi Roussel se range-t-il aux cotes de ses pairs (P. Loti, Victor Hugo), de ceux qu'il considere comme des genies. Le Comment., n'est point l'explication des livres precedents mais un livre de plus, un "en plus" destine a graver dans l'histoire sous couvert d'une savante operation philosophique qui rendrait acceptable les "archai'smes freudiens. Telle n'est point la demarche de Jacques Lacan presentee bien souvent sous les auspices d'une sorte de structuralisme mi-linguistique (Saussure), mi-anthropologique (Levi-Strauss), voire semiologique, et charge de faire passer les fantaisies geniales d'un visionnaire viennois dont la science ne peut plus se passer. Dechiffrage des signifiants: cela veut dire que l'inconscient ne peut trouver sa forme dans les moules que lui pretent insidieusement des sciences et des savoirs annexes. L'inconscient freudien est langage, saisissable dans la mesure ou l'homme est un être parlant; même lorsqu'il est muet, ca parle pour lui, autour; ca parle dans une langue, en mots, en phrases (en signifiants). Les modes de l'inconscient sont a elaborer, comme ils le furent par Freud, qui decouvrit son existence par la voie du rêve et a l'ecoute des lapsus. C'est pourquoi la psychanalyse interroge la linguistique sur la question c'e la langue, sans lui demander des reponses toutes faites. Dechiffrer, cela veut dire traduire, et non trouver un sens a l'origine, obscur ou cache. Si l'art de l'inconscient est art de interpretation, celle-ci est l'interprete de l'inconscient, sans visee interpretative: car l'interprete se fait porte-parole, en un discours situe a l'oppose de toute tentative avouee de maitrise. C'est bien difficile, mais c'est a ce prix que la psychanalyse se constitue comme une pratique et que l'inconscient, s'il veut etre freudien, doit se demarquer des domaines du savoir qui tendent a l'annexer. La est le lieu d'une contradiction car pour s'en demarquer, il s'appuie sur eux; a ses risques et perils: il n'a de toutes fa- 90ns pas d'autres choix. Jacques Lacan s'appuie sur un moment de 1'histoire de la linguistique comme Freud s'etait aide de la philologie ou de la biologie.

Ils dotent l'inconscient d'un statut scientifique sans pour autant l'assigner a residence sous des toits protecteurs. Mais l'intrus est genant, curieux, epris de liberte: toujours, il interroge le maitre en sa demeure sur ses denegations et ses vertus philanthropiques. On cherche a l'enterrer dans le jardin de la biologie ou a le renvoyer aux ecuries de la psychologie ou bien encore a lui faire prendre, non l'habit du langage, mais celui sur mesure de la linguistique. C'est de bonne guerre et cela montre que la lutte en matiere theorique n'est pas simple puisque les camps se trompent les uns les autres, tandis que l'adversaire, l'intrus, se faufile, cherchant toujours ailleurs d'autres appuis et renait par miracle ou on l'attend le moins. C'est par cet art que l'inconscient freudien trouve encore a se dire: cet art temoigne que le statut de celui-ci et ses positions ne sont jamais acquises.

4. Le fantasme d'auteur: du poeme et du recit a la mise en scene

Sans doute faut-il poser a la psychobiographie, a la psychocritique et a la moderne analyse semiologique la question de leur commune denegation: Quant aux effets de la decouverte freudienne dans le champ des sciences dites humaines? un fantasme d'auteur: Roussel se raconte dans le deguisement du procede; porteur d'une "oeuvre", maitre des mots et du monde; il est marque de l'etoile du destin qui le fait tantot batard et tantot roi; sa parole est "enceinte" d'un procede-machine recelant le secret de son art. Mais la recette donnee dans le Соmment est decevante comme une cle des songes n'ouvrant aucun portail; la trouvaille est caducque car le langage du procede est lui-meme un langage.

Les surrealistes comprirent a leur maniere la decouverte freudienne. La revindication d'une ecriture automatique met 1'accent sur l'importance du travail de la langue dans l'inconscient et sur la loi de la repetition inconsciente. L'automate figure l'enjeu de l'ecriture et marque le role de l'imaginaire dans le proces de la "creation". Repetition et metaphore sont au principe de la poetique surrealiste. Jacques Lacan, en retrouvant dans la Verdichtung (Condensation) de Freud le principe de la metaphore, souligne qu'elle englobe la Dichtung (la poesie). Le travail poetique de Benjamin Peret est travail de la metaphore et sur la metaphore: "jusqu'a lui, souligne Breton, les poetes les plus grands s'etaient comme excuses d'avoir vu une mosquee a la place d'une eglise ou avaient du prendre une attitude de defi pour affirmer qu'ils avaient vu une figue manger un âne (A. Breton, entretiens (Gallimard). Benjamin Peret est le plus surrealiste des poetes surrealistes. Pour se moquer de la tradition biograhique, il ecrivit entre autres un long poeme intitule: Le gigot, sa vie, son oeuvre (E. Losfeld) ). Pour les surrealistes, le fait poetique se confond avec le processus inconscient; le jeu de metaphore est premier, le poete est le jouet du lapsus et du calembour.

L'opposition illusoire faite par la critique traditionnelle entre la volonte d'auteur et l'inspiration, l'utilisation "consciente" d'un procede et le "fait subliminal" (cher a Jacobson), perpetue une inadequation: ni l'involontaire, ni le maitrise ne sont l'explication d'une "subjectivite creatrice", car la recherche de cette subjectivite n'a pas de sens. Le programme de l'ecriture automatique, par del a son appartenance aux ideaux du delire inspire, renvoie au double principe de la repetition inconsciente qui donne sens au "destin" et du procrs du langage qui determine le procede. L'experience surrealiste est alors le symptome (en ses oeuvres et en sa "theorie") de cette contradiction ou s'origine une des conditions mythologiques de la litterature elle-même (et de l'art): l'auteur est "1е pere" de ses oeuvres. Il en accouche, par l'anus, comme Roussel, instituant un systeme de parente imaginaire ou la copulation des mots indique la negation d'une diffёrence des sexes dans le proces repete d'une fantasmatique maitrise de l'objet et de la langue (le vers - l'intestin - la rime - le trone etc...). Chez Benjamin Peret, il nait lui meme du procede: tisse d'un signifiant etrange, il est la dent d'une sorte de fruit glouton mangeant un general; tantot maitre des mots et de la rime, tantot esclave d'une instance machinique d`ecriture, il se dêplaceen une topographie ou l'enverset l'endroit secon- fondent en une trame infinie. Origine de la creativite, l'auteur ne l'est point dans le reel du proces de la production litteraire ou artistique; il est cette origine, ce centre et ce sujet dans le fantasme. L'auteur est lieu imaginaire ou se produit l'illusion d'une maitrise.

Dans la nouvelle de Рое La lettre volee (E. A. Рое, Histoires extraordinaires (Coll. Marabout)), le chevalier Auguste Dupin echappe a la probtematique psychologique du sens cache en designant l'objet (la lettre votee par le ministre), la ou personne ni policier, ni critique litteraire, arme de la logique des intentions et des deductions, ne pouvait le trouver; la fiction procede ainsi d'être verite a la lettre; L a pratique du decentrement dont Dupin nous donne un apergu consiste a ne jamais se prendre au leurre d'une intention d'auteur. Pour trouver la lettre cachu§e par le ministre, il ne faut pas, comme font les policiers s'enquerir des multiples cachettes possibles, en procedant a une "fouille" en profondeur des meubles et des parquets... La deduction psychologique suppose a chaque instant un centre et un sujet pensant, la ou la theorie freudienne induit a un decentrement. Dupin trouve la lettre car il ne cherche pas sa cachette. Il anticipe sur l'art de l'inconscient en decouvrant, comme Freud pour le lapsus, que l'objet cache l'est d'autant mieux qu'il est visible pour tous, pose entre les bras d'une cheminee. Ainsi l'inconscient parle au su de tous, dans la langue quotidienne sans se dissimuler derriere une "pensee" consciente. L'art du chevalier Auguste Dupin n'a point pour objectif de retablir un centre, futil excentration (c'est a dire "mesure", distance par rapport a un centre, et non impossible d'un centre). La recherche du centre est toujours recherche (impossible) du secret et dusens; elle se prend au piege d'un fantasme d'auteur, d'un calcul imaginaire, qui nomme sous forme de recettes ou de precedes la loi du langage. Le fantasme de l'auteur, maitre des mots et de la rime renvoie a cette illusion tenace par quoi le moi imaginaire repond en ses oscillations repetees a la place du sujet. L'interpretation a la lettre de la contrainte formelle (prosodique, langagiere) se passe de l'intention d'auteur. Le linguiste F. de Saussure buta sur cette question en etudiant les annagrammes dans la poesie latine. Il decouvrit une verite (la loi de la repetition d'une figure poetique) en se posant un faux probleme: celui de l'intention consciente ou non consiente du poete.

Comme le fait poetique, la fiction est a saisir du cote d'une instance de la repetiti on. La validite d'une combinatoire par ou l'auteur s'offre comme origine de l'oeuvre dans le fantasme de la toute puissance des mots, se perd dans sa limite imaginaire; sa verite reside dans cette interaction d'une illusoire strategie et d'une production d'effets signifiants. Au calcul possible de coups, a cette sorte de maitrise absolue du texte par le procede, bref a la destinee du sens dont se repaie la semiotique, vient s'opposer comme autant de "ratages" (de "lapsus") la loi cle la repetition. Le texte echappe a la probabilite, resiste a la strategie des jeux, dans la mesure ou s'y relate, a la place d'un destin et d'un sens, la trame oscillante de la repetition inconsciente.

Rien ne va plus dans le proces d'une dualite psychologique de l'auteur et du lecteur, de l'acteur et du spectateur, rien ne va plus car le langage n'est point une strategie obeisant a la logique logicienne d'une metalangage (le vrai sur le vrai). La verite saute aux yeux, paradoxalement, quand elle se dit dans le mensonge, comme un "mi-dire", Dupin "reussit" ou les policiers "echouent" car il "rate" ou ils "reussissent": le calcul des intentions, la fouille psychologique. Il trouve la lettre et il decouvre la verite car il ne la cherche pas comme un fouineur aveugle.

Par le biais du concept freudien d'identification (Voir infra note 19) l'art de la mise en scene est a interroger comme la fiction ou le poeme. Les effets de la dёcouverte freudienne concernant la division du sujet touche l'espace de la representation. Dominee par le fantasme, elle se comprend dans le cadre d'une theorie ou l'imaginaire echappe aux dimensions de la psychologie en se distinguant a la fois du speculaire et du symbolique. Le propre de la psychologie est en effet d`ecraser l'imaginaire dans le speculaire en comprenant la representation sur le mode d'un rapport duel d'un sujet a un autre sujet. La dimension du symbolique introduite par Freud dans la topique d'un e autre seene. (un "cа" parle, l'inconscient) est correlative de la Spaltung (clivage) du sujet. Elle permet de saisir le sens de la dualite (illusoire) a partir d'un tiers lieu. Ainsi lorsque deux sujets "communiquent" au "moyen" du langage, dans l'illusion d'un rapport duel, il parlent (a partir) d'un autre lieu, echappant a la dimension du contact affectif (et le determinant), d'un lieu ou le langage les parle sans qu'ils le sachent. L'outil n'est qu'apparence car le langage represente alors la condition d'une communication; en effet contrairement aux apparences, et comme le montrent certains travaux linguistiques, "l'instinct" de communication n'est point la condition du langage: les sourds-muets, les mutiques, les bavards et certains psychotiques, le savent bien, qui vivent dans un univers de langue et de parole. Isoler l'affect et le cri comme les archai'smes vivants d'un protolangage d'origine, qui sous la forme de l'enfant-loup viendrait hanter la rationalite humaine, c'est mettre la dialectique sur la tete et renverser clans la psychologie la decouverte freudienne en substituant a l'inconscient une subconscience de faeture anthropologique, neurophysiologique ou biologique, selon les cas. Car la question de l'origine n'a pas de sens et l'archaicite de l'inconseient est a saisir comme le spectacle d'une stele tracee de hyeroglyphes, comme une maniere de monument que le temps et l'histoire viendraient orner d'objets nouveaux, sculptures ou graffitis, qui trouveraient a s'inscrire sur les temples intacts des civilisations anciennes. La geographie de l'inconscient s'apparente a un paysage sans traces d'erosion, a une langue fondamentale decoree de paroles et de signes qui affleurent et se melent au quotidien des mots, a une langue sans origine et sans avenir. C'est la son archaicite, c'est la qu'il s'apparente a l'art et au proces de 1'histoire; c'est la qu'il se distingue des archai'smes et des obscurites que lui reverse a chaque instant la demarche scientiste.

Le symbolique n'est de nature ni social, ni psychologique ni linguistique, il est de nature langagiere et signifiante: dans le rapport d'un sujet a son autre (son semblable) est en jeu un grand Autre (Terme introduit par J. Lacan) (un tiers lieu), le symbolique qui le determine et induit un imaginaire distancie du speculaire; la ou la psychologie identifie le symbolique (sous la forme des symboles et des mythes) a l'imaginaire (reduit a l'imagination, ou au symbolisme des doubles et des images), la theorie freudienne les distancie, saisissant du même coup le propre de la specularite psychologique.

Ainsi la decouverte freudienne permettrait-elle de reperer une scission non faite par la psychologie entre le Symbolique (lieu de l'inscription signifiante, lieu de l'Autre) et l'Imaginaire (ou prend corps l'objet du desir), par ouleSpeculaire reste distinct de l'imaginaire. Le Reel (comme corps parlant du sujet) emerge en tant que le symptome у fait sens, et vient souligner l'impact de ce que Freud nomma realite psychique, pour la distinguer dans ses analogies et ses differences de la realite materielle.

Si l'artiste est "l'analogue" du nevrose, la theatralite hysterique entretient avec le theatre un rapport privilegie bien que non generalisable et non xapplicable". La reflexion sur le concept freudien d'identifiсatiоn nous у incite. "Le theatre, souligne O. Mannoni, est toujours, a la difference de la nevrose hysterique, prise en compte par le symbolique des jeux de l'imaginaire" (O. Mannoni. Clefs pour l'imaginaire ou l'autre scene (Seuil)).

D'Aristote a Brecht ou Stanislavski, la dramaturgie se pose la question de l'identification (catharsis ou distanciation), tantot dans la forme d'une psychologie du spectateur ou de l'acteur, tantot dans celle d'une politique de la mise en scene (tantdt les deux a la fois), en des termes qui contradictoirement 1'apparente aux ideaux de la specularite, tout en anticipant sur un statut freudien de l'imaginaire (induit par le symbolique).

Je prendrai rapidement quelques exemples: Brecht pour le theatre: je propose, par l'historicisation, un decentrement du sujet et bute sur la question "psychologiste" de la distanciation. Dziga Vertov et Alfred Hitchcock pour le cinematographe: le premier s'appuie pour produire un cinema materia, liste, sur le fantasme d'une perception proletarienne. Le second, fils de la [catharsis, entend faire oeuvre civilisatrice en proposant au "peuple" un fort curieux theatre des passions.

La reflexion de Brecht sur le theatre interroge la psychanalyse comme la theorie freudienne interroge la dramaturgie. En historicisant la scene du theatre, il decentre le sujet de sa position de maitrise: il n'y a plus de spectateur, de heros, ou de "conscience", mais des comediens, le jeu et la scene, l'histoire et une "conscience culturelle" ou ideologique. Il tente de deshysteriser le theatre, ou le drame bourgeois l'hysterise en msttant l'accent sur les: sanglots de l'âme et la vertu des sentiments. Il montre dans le sens de l'experience freudienne que le centre est illusion de la conscience, production du moi imaginaire. Il demontre, dans le sens de Shakeaspeare que la theatralite hysterique d'un heros (Arturo Ui) peut etre prise en compte "symboliquement" par le jeu du comedien qui du meme coup l'induit par l'etrangete ou la mise a distance. Mais une contradiction demeure qui tient au statut brechtien de l'identification, comprise comme "projection". Pour penser l'historicisation de la scene theatrale Brecht a recours a une notion, la distanciation, qui appartient a un espace prefreudien de la psychologie. La notion d'etrangete relativise la problematique de la perception et maintient dans un proces contradictoire le principe meme d'une relation speculaire (acteur/spectateur/auteur), la ou l'historicisation la decentre. La distanciation reste tributaire d'une conception psychologique de l'identification, ou le centre n'est point "disparu" mais "suspendu" a l'exercice d'une transformation des consciences par les consciences (La notion de distanciation suppose une illusoire conception "materialiste" de l'identification, par qui une "desidentification" du sujet produirait l'effet inverse de la fascination. Freud sort l'identification de la projection (et de la fascination) en montrant que la personnalite humaine n'est autre que la somme des identifications imaginaires par quoi le sujet construit son moi, en s'appropriant litteralement des morceaux des personnages de son entourage (sourires, vetements, paroles c'est a dire objets (imaginaires)du desir), en jouant toujours un role. Auquel cas, la "desidentification est toujours un leurre de la psychologie, fut-elle "materia'iste", puisqu'elle suppose, par un effet6 de symetrie, une sortie possible pour le sujet humain de son imaginaire. La distanciation rencontre des avatars: Lors d'une presentation par le Berliner Ensemble des Journees de la Commune de Brecht, dans un theatre de la banlieue parisienne ouvriere, le public pourtant prevenu, siffla bruyamment le comedien qui jouait le role de Thiers, apres avoir applaudi, non moins bruyamment, le meme comedien qui dans la meme piece jouait le role d'un communard. Ici la distanciation se heurte a la fois a l'historicisation "reussie" (le public politise encourage les communards et stigmatise les versaillais, projetant le passe sur leurs luttes presentes (il a des effets d'imaginaire par quoi la "desidentification" est illusion de la psychologie: un meme comedien est pris pour Thiers ou pour un communard et applaudi ou siffle comme tel, comme un personnage).

Le "genie" de Brecht est de pousser l'experience du theatre politique jusqu'aux limites de l'existence du theatre lui-même: c'est pourquoi le theatre brechtien n'est jamais psychodrame historique; Brecht montre, sans le savoir, le vrai d'une position freudienne: si l'hysterie est theatralite, le theatre n'est pas l'hysterie (comme cherche a le faire croire la tradition des mises en scene" bourgeoises), meme quand les historiens sont "nevroses"; celle-ci est un theatre deforme ou "prive", une "mauvaise piece" et le theatre est toujours prise en compte d'une theatralite par les moyens d'une mise en scene, dont Brecht souligne qu'elle ne peut etre qu'historicisation, a eviter la "dramatisation". En ce sens, le travail de l'analyste, dans la cure s'apparente a celui du dramaturge.

Brecht pointe l'endroit d'une contradiction qui parcourt 1'histoire du mou vement ouvrier, via les theses de Bogdanov et celles de certains theoriciens sovietiques de l'art et qui produit l'argument d'un sujet de l'histоire dont l'emergence s'operede son adequation avec les masses dans le processus de la lutte des classes; le sujet est "acteur" et "heros" d'une lutte ideologique comprise comme theatralisation des luttes de с1asses, ou la "prise de conscience" est l'enjeu d'un combat offrant Failure du drame. C'est ainsi que la psychologie vient remplacer la politique en s'appuyant sur l'ideal d'une theorie materialiste du sujet, impossible au demeurant sans le maintien d'un centre et d'un sujet comme lieu et origine de la connaissance.

Le cineaste sovietique Dziga Vertov, fit de maniere plus radicale que Brecht l'experience de cette contradiction en produisant des films d'une admirable nouveaute. Ce qui prouve, au passage, comme le montre Freud, qu'on peut produire des oeuvres originales avec des "theories" vieillotes ou fausses. Le cine-oeil (kino-glaz) de Vertov s'appuie sur le principe d'une psychologie materialiste (proletarienne) de la perception, dont l'utopie reste conforme aux ideaux du bonheur, qui forme le materiau ideologique des annees vingts.

Dans cette perspective, des rapports s'etablissent entre l'espace cathartique de la representation, celui brechtien de la distanciation et l'instance d'une realite non psychologique de l'identification decelee par Freud.

Le propos d'Alfred Hitchcock sur le cinematographe et celui de Dziga Vertov sur le Cine-oeil viennent "encadrer" la reflexion brechtienne. Hitchcock serait a la catharsis ce que Freud est a l'hypnose, le frere ennemi du dramaturge de la distanciation.

Ce cineaste anglais et gourmand vint a Hollywood en 1940 comme Hollywood vint a lui. Arme d'une nouvelle poetique aristotelicienne, il voulait donner au public le gout perdu de la violence et de la passion, le purger de l'apathie ou le plongeait la societe de consommation. Une scene du film Les trente neuf marches (1935) illustre cette nouvelle catharsis nommee suspense et que je designerai comme la psychanalyse selon A. Hitchcock. L'action se deroule en Ecosse. Un fermier jaloux et avare, avant accueilli chez lui un etranger, le laisse bavarder avec sa femme, cherchant a surprendre, du dehors, cache derriere la fenetre, un echange amoureux, qui a defaut de paroles se lirait sur leur regard. Rien ne se passe qui puisse satisfaire le fermier, en cette scene muette surprise a la derobee: le regard est decu et l'attitude gourmande du fermier vient temoigner, en une sorte de parabole que le sexe est l'enjeu du regard: "ее que je veux voir n'est jamais ce que je regarde" (J. Lacan, Eсrits (Seuil) ).

Le cinema hitchcockien opere une perversion de la regie cathartique en objectivant la fonction du regard et en montrant que celui-ci est оbjet de desir. Objet imaginaire par excellence, il se derobe dans la mesure ou l'objet meme du suspense a pour enjeu une trompeuse decouverte du sexe. Comme les textes de Raymond Roussel, les films d'Hitchcock sont interrogation sur l'origine et la difference des sexes, sur la naissance et la copulation. "Je ne suis pas curieux" enonce le puritain, mais "je voudrais connaitre" la couleur du sexe des stars. Le "maitre" du suspense "domine" le film comme il detourne la catharsis dans le rituel d'un jeu de regards. Des lors le mode de production hollywoodien avec ses codes et sa censure, ses happy-end, son star-system, devient l'instrument par excellence d'un style: Hitchcock sert les imperatifs du cinema hollywoodien dans la mesure oil ceux-ci servent les siens. Il dejoue la censure dans la forme meme d'une censure montrant que l'art de la mise en scene fonctionne a l'ideologie, dans les contraintes que lui impose l'ideologie dominante.

L'art hitchcockien reste cathartique; il se deplace dans la problernatique des identifications imaginaires. Brecht anticipe dans un langage qui demeure teinte de psychologisme sur la question de l'induction de l'imaginaire par le symbolique. D. Vertov designe le lieu d'une "perception de la classe": dans ses effets subversifs, elle rencontre la perspective brechtienne, de l'historicisation, mais a pour corrolaire de maintenir en place du politique, la notion psychologique de perception.

De la "subjectivitecreatrice" a "l'objectivation de la fonction du regard" se profile un fantasme d'auteur, ou se deroule, histoire de dominer les mots, un roman familial. Le procede n'est affaire ni de volonte ni d'inconscience, mais d'inconscient: il est contrainte et inscription et non outil: il est langage. Suivant 1'adage il vient servir de justification aux "affaires d'ecritures"; le style c'est l'homme pour le poete ronge des rimes...

Resume

Cette etude a pour but d'eclairer le sens de l'intervention psy-chanalytique dans le domaine de l'art, et surtout dans celui de la litterature et de la dramaturgie (cinema, theatre). Ceci, sous un angle qui ne soit ni celui de la traditionnelle psychanalyse applique e, ni celui qui prend pour nom psychanalyse et... quelque chose (literature, peinture etc...

Nous expliquons pourquoi cette intervention s'est soldee le plus souvent par un echec et a eu pour effet de raviver au lieu d'eteindre la dichotomie habituelle de la critique: homme/oeuvre.

Celle-ci repose en effet sur l'application directe au domaine de l'art d'une conception pre-freudienne de l'inconscient. Celui-ci est compris tantot comme un vague subconscient tantot comme fait cache, comme double interne de la conscience. La psychologie s'allie a la philosophie du sujet pour resister a la decouverte freudienne ou pour la modeler a son image; tandis que les sciences dites humaines cherchent a 1'annexer pour la rendre "utilisable".

C'est pourquoi nous opposons a la demarche de l'esthetique qui vise a reduire l'inconscient a un contenu mythique sous couvert d'un inсоnscient de l'art, la pratique freudienne du devoilement, du dechiffrage et de interpretation qui se definit d'etre un art de l'inconscient. Paradoxalement cet art est le seul a pouvoir donner un statut scientifique a l'inconscient, qui ne soit pas "d'importation".

L'inconscient est un lieu, une "autre scene", un "cа" parle. Le sujet s'y determine de subir un с1ivagе. Il n'est point divise en deux parties mais l'expression meme d'une division. Qu'en est-il alors des effets de cette division dans le champ de la critique litteraire?.

Et pour passer du recit et du poeme a la mise en scene, nous etendons notre interrogation au domaine de la dramaturgie. La division du sujet a pour effet de mettre en cause l'espace cathartique de la representation, espace pense dans les termes aristoteliciens de la passion, de la purge, du spectacle et de l'identification (comprise comme simple echange speculaire d'un sujet a un autre sujet); nous passons de la division du sujet a la dialectique du desir, dans la mesure ou la "creation" se comprend a travers la problematique du roman familial ou se relate un fantasme d'auteur.

Nous parlons ici des poetes frangais Raymond Roussel, Benjamin Peret, des surrealistes, de E. A. Рое, de Bertolt Brecht pour le theatre et de Dziga Vertov et Alfred Hitchcock pour le cinematographe.

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